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Le Sénégal à l’épreuve du despotisme du FMI
Publié le vendredi 27 septembre 2019  |  seneplus.com
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© Autre presse par DR
Le Fonds monétaire international (FMI)
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Nos dirigeants doivent savoir que le développement est d’abord une affaire endogène et n’est pas consigné dans la bible de ces institutions sous contrôle des États-Unis et de l’Europe


«Le Sénégal est un pays extrêmement dynamique, avec un potentiel important, qui a l’émergence à portée de main», a affirmé, ce 23 septembre à Dakar, Corinne Deléchat la cheffe de mission du Fonds monétaire international (FMI) pour le Sénégal. Elle a parlé d’émergence. «Emergence», voilà un mot qui avait disparu de la vulgate apériste pour reprendre une expression de mon confrère Pape Sadio Thiam et que les sorciers du FMI remettent au goût du jour. Si un pays émergent est un pays en forte croissance et à revenus intermédiaires, dont l'économie se situe entre pays développés et pays en voie de développement, force est de constater que le Sénégal, pays en développement à faible revenu (PDFR), est encore loin des cimes de l’émergence. Mais puisque cela vient des sorciers du FMI, réjouissons-nous de cette prophétie qui va plaire à Sa Majesté Emergent Sall. Mais il faut oser dire que l’économie nationale s’étouffe en pleine immersion. D’ailleurs nos difficultés économiques sont telles que, un ajustement structurel édulcoré est en train d’être mis en application et le séjour des experts du FMI dans nos murs entre dans ce cas de figure. Notre président se triture les méninges pour contraindre son administration dispendieuse à s’ajuster. Récemment, il a déploré la gabegie de l’Etat en termes d’achat de véhicules et de facture téléphonique, estimée à plusieurs milliards. Sur injonction du FMI, 16 agences ont été supprimées ou fusionnées dans un souci de rationalisation des dépenses publiques. Et bientôt ce sera de certaines ambassades et représentations consulaires comme d’ailleurs le journal Témoin l’a déjà annoncé. En même temps, ces manitous du FMI pressent le président Sall de supprimer les subventions et de réduire davantage le train de vie de l’Etat.

Cette atmosphère d’austérité nous rappelle curieusement celle du début des années 80 quand Abdou Diouf venait d’accéder au pouvoir, il était pressé par les Institutions de Bretton Woods pour réduire le déficit budgétaire. Le service de la dette avait une valeur de 32,6 milliards en 1979-80 donnant un déficit budgétaire en pourcentage du PIB de 3,6%. C’était l’année de la mise en œuvre du Plan de Stabilisation à court terme. En 2018, le déficit budgétaire s’est par conséquent creusé à 3,5 % du PIB.

Du PREF au SRMT

A partir de 1980, Plan de Stabilisation à court terme se substitue à un Plan de redressement économique et financier (PREF) et va coïncider exactement avec le cinquième plan quinquennal (1980-1984) initié depuis les années 60 par l’Etat du Sénégal. Selon le professeur d’économie Makhtar Diouf, «le PREF était mis au point par le FMI et la Banque mondiale dans le cadre des politiques d’ajustement. Les objectifs du PREF étaient les suivants : stabiliser la situation financière de 1’État ; augmenter l’épargne publique ; orienter l’investissement dans les secteurs productifs ; réduire l’intervention de 1’Etat dans l’économie».

Pour le professeur Diouf, «le PREF prévoyait des mesures d’assainissement des finances publiques afférentes à la fermeture de 23 ambassades et représentations consulaires, à la réduction du parc automobile de l’Etat et des dépenses de carburant, de l’ordre de 40 %, à la réduction de l’assistance technique française, à la réduction des subventions aux denrées de consommation de première nécessité comme le riz, l’huile, le sucre et à la fermeture des internats dans les établissements secondaires». La mise en œuvre du PREF n’ayant pas donné les résultats attendus par les bailleurs de fonds, notamment dans sa dimension structurelle, il fallait engager le Plan d’ajustement économique et financier à moyen et long terme dont les performances se situèrent en dessous des espoirs placés en eux bien que l'on enregistrât le retour de la croissance au niveau national : 4,8 % en 1995, 5,2 % en 1996, 5,6 % en 1997.

Par conséquent, malgré es différents programmes de redressement économique sous Diouf destinés à remettre de l'ordre dans nos finances publiques et à reprendre le chemin de la croissance, le Sénégal a continué enregistré des déséquilibres budgétaires et commerciaux.

Aujourd’hui, le FMI ne parle plus de PREF mais de Stratégie de Recettes à Moyen Terme (SRMT). Pour cela, l’institution de Bretton Woods, sachant que le renforcement des capacités fiscales d’un pays se trouve au cœur de toute stratégie de développement viable, conseille au Sénégal l’élargissement de son assiette fiscale afin d’améliorer la performance de l’économie en difficulté. Ainsi la SRMT constitue une approche efficace pour accroître les recettes publiques. Il faut préciser que la SRMT est un concept de la Plateforme de collaboration du FMI sur les questions fiscales. Cette structure est une initiative conjointe lancée en avril 2016 par le Fonds monétaire international (FMI), le Groupe de la Banque mondiale, les Nations Unies et l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Déjà en 2015, un programme de soutien aux politiques économiques avait été conclu entre le FMI et le Sénégal.

De l’ISPE à l’ICPE

Dans son communiqué de presse n° 15/297 du 27 juin 2015, il est indiqué : « Le Conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI) a approuvé aujourd’hui un instrument triennal de soutien aux politiques (PSI) pour le Sénégal. L'ISP soutient la mise en œuvre d'un programme triennal de réformes macroéconomiques visant à faire progresser le Plan Sénégal Emergent (PSE), la stratégie des autorités visant à accroître la croissance et à réduire la pauvreté tout en préservant la stabilité macroéconomique et la viabilité de la dette. Les autorités entendent s'attacher à accroître les recettes fiscales en élargissant l'assiette fiscale, ainsi qu'à rationaliser les dépenses courantes afin de créer un espace budgétaire pour le financement des infrastructures et des dépenses sociales. Une attention particulière sera accordée à la qualité des dépenses, investissements compris, au renforcement des financements publics, à la transparence et à la gouvernance économique. Les autorités entendent accélérer les réformes structurelles afin de créer un environnement commercial plus attrayant, favorisant ainsi le développement du secteur privé ».

Il faut préciser que l’ISPE (Instrument de Soutien à la Politique Economique) est un instrument du FMI conçu pour les pays qui n’ont pas nécessairement besoin des concours financiers du FMI, ou ne souhaitent pas y faire appel, mais cherchent à recevoir du FMI ses conseils, son suivi et son aval. L’ISPE aide les pays à élaborer des programmes économiques efficaces qui, une fois approuvés par le Conseil d’administration du FMI, constituent un signal à l’endroit des bailleurs de fonds, des banques multilatérales de développement et des marchés, leur indiquant que le FMI appuie les politiques du pays membre.

Ainsi, pour réaliser rapidement des gains d’efficience, le FMI, même si Mme Deléchat ne l’a pas explicitement dit, exhorte bon nombre de pays d’Afrique subsaharienne dont le nôtre, d’accroître leurs recettes fiscales d’environ 1 % de leur PIB par an au cours des cinq prochaines années pour satisfaire les besoins permanents d’expansion des services d’éducation et de santé, ainsi que pour combler les déficits d’infrastructures considérables. Selon le FMI, « comme il faut du temps pour renforcer les capacités de recouvrement des impôts sur le revenu des personnes physiques, la TVA et les accises offrent probablement le plus gros potentiel de recettes supplémentaires pour les quelques prochaines années. Par exemple, selon des études récentes du FMI, la TVA représente un potentiel de recettes d’environ 3 % du PIB au Cap-Vert, au Sénégal et en Ouganda, et les accises, ½ % du PIB pour tous les pays d’Afrique subsaharienne. »

Si l’ajustement structurel (ou réforme structurelle) désigne une mesure de politique économique dont le but est d'améliorer de manière durable le fonctionnement d’un secteur de l'économie ou de l’économie entière d’un pays, l’on peut dire que la SRMT qui incite à l’élargissement de l’assiette fiscale est un programme d’ajustement structurel. Le Plan d’ajustement structurel est un programme dicté de l’extérieur par le FMI à un pays donné pour rétablir ses équilibres économiques globaux.

D’ailleurs, le Sénégal n’a pas perdu de temps pour mettre en application cette recommandation du FMI. Ainsi en 2018, la taxe est passée pour les boissons gazeuses de 3% à 5%. En ce qui concerne la bière, le taux est à 40%. Le tabac a connu une hausse de 65% depuis juillet 2018. Le 2 janvier 2017, l’Etat sénégalais a appliqué à compter du 2 janvier, une nouvelle taxe de 3 francs CFA sur le prix du kg de ciment. Ce qui s’est traduit par une hausse de 3 000 francs Cfa sur la tonne. Le 1er mai dernier, le président annonçait une autre taxe sur le ciment. Déjà en 2016, le chef de l’Etat avait annoncé la taxe de 40 francs CFA à l’exportation sur le kilogramme d’arachide, soit environ 20% des prix intérieurs actuels, avant de la suspendre. Il faut cependant prévoir une hausse du prix de l’eau et de l’électricité très prochainement comme l’exige le FMI.

Mais ces premières mesures d’austérité n’ont pas donné les résultats escomptés. Ainsi, en juillet 2018, le Conseil d’administration du Fonds monétaire international a conclu que les résultats obtenus dans le cadre du programme appuyé par l’instrument de soutien à la politique économique (ISPE) sont mitigés. D’ailleurs, dans une lettre datée le 14 juin 2018 et adressée à Madame Christine Lagarde, Directrice générale Fonds monétaire international, Amadou Ba, l’alors ministre de l'Economie, des Finances et du Plan reconnait que « les objectifs indicatifs à fin décembre 2017 et à fin mars 2018 aux recettes fiscales et au plafond trimestriel de la part du montant des marchés publics conclus par entente directe n’ont pas été respectés. Et par conséquent, il sollicite une dérogation pour l'achèvement de la sixième revue de son programme macroéconomique appuyé par l’instrument de soutien à la politique économique (ISPE)… »

Pour pallier ces difficultés qui asphyxient notre économie, Corinne Deléchat, lors de son séjour à Dakar du 12 au 23 septembre 2019, a conclu avec les autorités sénégalaises un programme soutenu par l’Instrument de Coordination des Politiques Economiques (ICPE) d’une durée de trois ans qui s’inscrit dans la même dynamique que l’ISPE.

L’ICPE est un instrument introduit par le FMI en 2017 pour soutenir les pays qui peuvent bénéficier de l’accompagnement du FMI dans le cadre d'un programme, mais qui n’ont toutefois pas besoin d'un soutien financier de l’institution. Le programme accompagnera la mise en œuvre de la seconde phase du Plan Sénégal émergent (PSE) et vise notamment à atteindre une croissance soutenue et inclusive, tirée principalement par le secteur privé, et à renforcer la stabilité macroéconomique par le maintien de la viabilité des finances publiques et la gestion prudente de la dette.

Réduire le train de vie des institutions budgétivores

Aujourd’hui, après les échecs ou résultats mitigés des leçons du FMI, plusieurs Sénégalais restent très sceptiques quant à la réussite de ces nouveaux dogmes austéritaires imposés encore par l’institution financière. Nos dirigeants doivent savoir que le développement du Sénégal est d’abord une affaire endogène et n’est pas consignée miraculeusement dans la bible économique du FMI sous contrôle des États-Unis (17% des voix) et de l’Europe (32%).

Il est heureux de constater que le président Sall a engagé une croisade contre la gabegie au sein de l’administration mais il doit toucher les véritables niches de gaspillage et de corruption. Et charité bien ordonnée commençant par soi-même, Macky Sall aurait bien fait de montrer la voie par la pédagogie par l’exemple. Comment comprendre qu’un président, dont le pays reste encarté dans les 26 les plus pauvres du monde, se paie le luxe de rouler en Mercedes-Maybach S600 Pullman Guard (après en avoir grillé une) estimée à 922 278 000 francs avec en sus une cote de consommation énergivore de 19,6 litres /100 km ? La garde prétorienne de sa Majesté nous rétorquera que la sécurité présidentielle n’a pas de prix. Certes ! Pourtant la chancelière allemande Angela Merkel, dirigeant le pays qui a fabriqué la voiture de notre président, roule en Audi A8 hyper-sécurisée estimée à 102 281 805 francs CFA avec une cote de consommation basse de 8,2 litres/100 km. Le président français Emmanuel Macron, lui, roule en DS 7 Crossback d’une valeur de 35 408 880 francs CFA avec une cote de consommation basse de 3,9 à 5,9 litres/100 km.

Les fonds spéciaux (fonds fourre-tout) et autres dépenses ovni du président, dépassant plus de 10 milliards et obérant les finances publiques, doivent réformés de même que les fonds politiques alloués aux institutions comme l’Assemblée nationale, le Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT) et le Conseil économique social environnemental (CESE). Dans la même foulée, une réduction du traitement des députés, des conseillers du CESE et des Haut-conseillers du HCTT s’impose. Le carburant du président de l’Assemblée coûte au contribuable sénégalais 465 000 000 francs pour une législature et son salaire 540 000 000 Fr CFA. Donc en cinq ans, une seule personne rogne plus d’un milliard aux finances publiques. De la même manière, il faut réduire le nombre de véhicules attribués aux 17 membres du bureau qui disposent chacun d’une 4X4 et d’une berline d’une valeur respective de 26 000 000 francs et 13 000 000 francs, de 1000 litres de carburant et 500 000 francs pour le crédit mensuel. A cela s’ajoute un salaire de 3 000 000 francs pour chaque membre du bureau. Les onze présidents de commission touchent chacun 1,6 million mensuel mais ont le même traitement en voiture, en carburant et en crédit que leurs homologues du bureau. Les députés simples disposent d’une seule 4X4, de 300 mille francs en crédit et de 250 litres carburant.

On retrouve la même situation au CESE et au HCCT. Au Conseil constitutionnel, à la Cour suprême et à la Cour des comptes, le niveau des salaires des magistrats et autres est démentiel. Rien qu’au niveau de ces institutions intouchables, des économies fortes peuvent réalisées et être réinvesties en partie dans les secteurs vitaux où l’Etat risque de supprimer les subventions.
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