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“J’ai mal pour le Sénégal !“ (Par Penda Mbow)
Publié le mercredi 18 septembre 2019  |  Seneplus.com
Réunion
© aDakar.com par DR
Réunion de haut niveau sur l’élimination de la transmission du VIH de la mère à l’enfant (ETME) et l’accès universel au dépistage et au traitement du VIH pédiatrique
Dakar, le 16 janvier 2019 - Une réunion de haut niveau sur l’élimination de la transmission du VIH de la mère à l’enfant (ETME) et l’accès universel au dépistage et au traitement du VIH pédiatrique s`est ouverte, ce mercredi, à Dakar. Photo: Penda Mbow
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S’il y a différentes écoles de pensée, c’est parce que le débat a toujours existé en Islam - Notre société devient tellement intolérante qu’on se demande s’il est nécessaire de partager

Je suis bien malheureuse car je vois dans mon pays, une certaine forme de régression du débat intellectuel et le terrorisme verbal finit par s’incruster : s’y instaurent des germes d’inquisition d’autodafé et peut être, un jour on exigera tout simplement la fermeture de l’Université. Ceux qui se sont arrogés le droit à la ‘réflexion’, ironisent sur tout, désacralisent tout, condamnent et refusent que l’on exerce l’esprit critique. Je voudrais à l’endroit d’iman Kanté et tous les autres objecteurs de conscience, rappeler ceci :

Que pendant plus de 30 ans, j’ai enseigné l’histoire du moyen musulman (de la naissance du Prophète à la chute de Constantinople en 1453) et Occidental ; d’ailleurs certains parmi ceux qui parlent ont été mes étudiants. La connaissance de ces disciplines, voire une certaine érudition que je revendique, m’ont ouverte à des distinctions dans des Universités prestigieuses comme Uppsala en Suède et Cluj en Roumanie où je donnai souvent des conférences. S’il y a une seule chose dont le bon Dieu m’a gratifiée depuis mon enfance, c’est la facilité d’accès au savoir et à la connaissance. J’ai choisi le Moyen-âge parce que j’ai horreur de la banalité.

Je n’ai jamais été étudiante du département d’Arabe même s’il m‘arrivait d’y suivre des cours ou d’entreprendre des traductions de textes pour mes recherches avec des professeurs comme Mamadou Ndiaye. Par contre, j’ai toujours étudié l’Arabe y compris en France, aux Etats-Unis et à l’Institut Bourguiba de Tunis.

S’il existe différentes écoles de pensée (dogmatique, rationalisante, des mutakkalimum, des muta’zilites et que sais je encore) et écoles juridiques (hanbalite shaféite, malikite, hanéfite…), c’est parce que le débat a toujours existé en Islam et les démarches différenciées, surtout dans l’Islam des origines, selon la conception de Hichem Djaït. Plusieurs penseurs musulmans comme Mouhamed Arkoun, Mouhamed Talbi, voire Souleymane Bachir Diagne ont prôné l’ouverture, mais hélas beaucoup à travers une pensée chétive, pauvre, veulent nous maintenir dans une forme d’obscurantisme… Pourtant l’Islam a connu sa période de philosophie critique.

Je ne changerai jamais, car un esprit éclairé, une fois que sa ‘religion’ est faite, peut approfondir ses idées, s’interroger. Mais le fond de sa pensée demeure.

Je prendrai le temps nécessaire pour revenir sur le débat concernant le voile, car je le dois à la femme sénégalaise. La nécessité de pratiquer sa religion ne signifie pas renoncer à son moi profond, notre identité de négro-africaine. Sans nous dénier, le fait de nous habiller décemment ne nous oblige pas à nous transformer en femme du désert d’Arabie, en Iranienne ou Afghane.

Je n’ai pas la prétention d’être exégète, mais dans mes lectures, j’ai rencontré Ghazzali, Suyuti, Imam Malik (je consultai souvent la Muwatta à l’Institut Islamique ainsi que la Muddawana de Shahnun), Ibn Arabi, etc. J’ai de quoi entretenir une conversation sur la pensée Islamique. Ma bibliothèque fait plus de 3000 ouvrages dans différentes langues et plus de la moitié porte sur l’Islam. Mieux, chaque matin que Dieu fait, je lis des passages du Saint Coran et pas en Français ou en Anglais. Il faut éviter de tout désacraliser, une société a aussi besoin de s’appuyer sur des icônes solides et des mythes fondateurs.

Je rappelle aussi que ma conception de l’ouverture, du dialogue religieux est reconnue à travers des invitations dans différentes conférences internationales, à des Instituts, mais aussi par le fait d’avoir reçu le prix Jean Paul II pour la paix.

Notre société devient tellement intolérante et anti-intellectuelle qu’on se demande s’il est nécessaire de partager et de débattre. Tout le monde finira par se taire, mais je viens de lire dans la revue Books du bon usage de l’esprit critique, que c’est dans les moments de crise que les sociétés produisent les meilleures réflexions. Espérons qu’il en soit ainsi pour notre cher Sénégal.
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