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Le Soleil N° 13177 du 28/4/2014

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Hervé Joly, Chef de mission du Fmi: « Le Pse marque une rupture par le rythme et la profondeur des réformes »
Publié le lundi 28 avril 2014   |  Le Soleil




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Herve Joly FmiUne révision à la baisse du taux de croissance escompté pour l’année 2013 ne remet pas nécessairement en cause les objectifs du Plan Sénégal émergent, assure le chef de mission du Fonds monétaire international (Fmi) pour le Sénégal et l’Uemoa, Hervé Joly. Mieux, ajoute-t-il, le Fonds pourrait même revoir, à la hausse, ses projections pour le Sénégal agricole en 2014. M. Joly, qui nous a accordé cette interview à Washington, lors des assemblées de printemps du Fmi et de la Banque mondiale, apprécie positivement les ambitions du Pse.

L’Uemoa, de façon générale, a réalisé une bonne croissance en 2013, comment expliquez-vous cette performance ?
C’est une question très intéressante à laquelle je vais donner une réponse très simple. Qu’est-ce qui s’est passé, ces deux dernières années ? Est-ce durable ? En fait, il y a eu une forte croissance en 2013 et aussi en 2012 de 6%, grosso modo. Nous sommes bien au-delà de la moyenne des dix années précédentes. Cette croissance semble impliquer une rupture. Nous, le Fmi et les autorités, sommes assez optimistes sur les perspectives à venir. La question qui se pose, c’est comment maintenir ce dynamisme. Pour répondre à votre question, il y a eu un rebond assez important en Côte d’Ivoire, en 2012 et 2013, suite à une crise très prolongée à laquelle ce pays est sorti. Dans certains pays de l’Union, il y a eu des croissances robustes, c’est le cas du Burkina Faso, du Niger. La question qui se pose est de savoir si ce sera durable.

Que répondez-vous à votre propre question ?
Le message que nous passons aux autorités est le suivant : c’est faisable, mais ce n’est pas acquis. Pour que la croissance se pérennise, il faut un certain nombre d’actions, par exemple, tout un champ d’actions consistant à combler le déficit d’infrastructures qui existe dans la région. C’est un exercice intéressant de comparer les pays de l’Uemoa avec sept autres pays d’Afrique subsaharienne qui ont connu une croissance très rapide au cours des quinze dernières années pour voir ce qui les différencie de la moyenne des pays de l’Union. Ce qui les différencie, c’est une accumulation de capital plus faible dans l’Uemoa, ou de façon équivalente, un investissement plus faible, et cela se traduit par un déficit d’infrastructures. Il y a donc un effort à faire dans ce domaine. Cependant, l’écart d’investissements ne constitue qu’une petite partie de l’explication du déficit de croissance dans l’Uemoa. La principale différence, c’est l’efficacité de l’utilisation des facteurs. Au-delà de l’agenda d’accroissement de l’investissement, il y a un autre agenda encore plus important de réformes pour avoir plus d’efficacité de l’investissement public et privé et pour avoir un environnement favorable à l’investissement privé.

Il a été beaucoup question de la volatilité des flux de capitaux lors des réunions de printemps de la Banque mondiale et du Fmi, alors que les pays de l’Uemoa ont besoin d’investissements, surtout dans le domaine des infrastructures. Quel comportement doivent-ils avoir pour ne pas ressentir fortement cette volatilité des flux de capitaux ?
Les pays de l’Uemoa ne sont pas les plus exposés à ce genre de problème en Afrique subsaharienne. Il y a assez peu d’entrées de capitaux sur le marché financier régional. Il y a quelques pays qui ont accès aux capitaux internationaux à travers les eurobonds qui sont émis. C’est le cas du Sénégal, en 2009, 2011, il est possible que le pays en émette un en 2014. La Côte d’Ivoire a aussi un plan pour retourner sur ces marchés. Les pays qui font ce recours à l’épargne étrangère pour financer leurs investissements encourent clairement des risques. Aujourd’hui, les conditions sont bonnes, mais avec les politiques monétaires qui vont être moins accommodantes dans les pays avancés, il y a des risques de volatilité sur les marchés financiers internationaux, et cela pourrait se traduire par des conditions d’emprunt moins favorables.

Le Sénégal a enclenché des réformes structurelles saluées par le Fmi, mais qui trouve le rythme lent, surtout dans le secteur de l’énergie. Espérez-vous une accélération avec les nouvelles autorités ?
Le Fmi appuie le programme des autorités à travers l’Instrument de soutien à la politique économique (Ispe). C’est un programme qui a été approuvé par le Conseil d’administration du Fmi fin 2010.

Nous en sommes à la quatrième année de mise en œuvre et nous avons conclu toutes les revues. Le message du Fmi, c’est donc que globalement, les choses vont dans la bonne direction. Ceci étant dit, comme nous l’avons noté dans le dernier rapport sur la sixième revue du programme conclu en décembre 2013, il y a eu effectivement un rythme de mise en œuvre des réformes qui a été plus lent que ce qui était escompté, particulièrement au cours de l’été dernier. Il y a un effort d’accélération que nous avons noté depuis que le nouveau gouvernement a pris ses fonctions. Nous avons donc bon espoir que le rythme des réformes s’accélère. C’est particulièrement important dans un contexte où le gouvernement a une nouvelle stratégie de croissance, le Plan Sénégal émergent (Pse). Ce plan marque une rupture par le rythme et la profondeur des réformes.

Qu’en est-il du secteur de l’énergie ?
L’énergie est une question importante pour nous, comme pour la plupart des Sénégalais. Avant tout, un secteur énergétique performant est une condition nécessaire pour la croissance. Le Sénégal en a fait l’expérience en 2011, la situation énergétique lui avait coûté alors un point ou un point et demi de croissance. C’est très important de résoudre le problème de la disponibilité de l’électricité en quantité suffisante mais aussi de son coût, parce que le Sénégal a l’une des énergies les plus chères dans la région et probablement dans le monde entier. Ceci en dépit du fait que l’électricité est très largement subventionnée par le contribuable. Il y a vraiment un problème d’efficacité dans les technologies de production. Le plan des autorités, c’est d’investir pour accroître l’offre et investir dans les technologies qui permettent de réduire les coûts. Nous ne sommes pas des experts du secteur électrique, mais plutôt des finances publiques. De ce point de vue, la subvention de l’électricité constitue un coût substantiel pour les finances publiques et les Sénégalais. Nos estimations sur l’année 2012 du soutien budgétaire apporté au secteur, prennent en compte la compensation tarifaire qui est un transfert de subvention explicite dans le budget, en ajoutant à tout cela d’autres formes de soutiens comme le fait que certaines dépenses énergétiques sont prises en charge par le budget, et le fait que le secteur accumule, année après année, des arriérés fiscaux. Avec tous ces éléments mis bout à bout, nous en sommes arrivés, en 2012, à un coût total pour le budget de 180 milliards de FCfa, je crois. Ce qui représentait 2,5% du Pib. On ne peut pas se focaliser seulement sur la compensation tarifaire. Il est important que la population réalise le coût total de ces subventions électriques qui est très élevé. En termes d’opportunités, cela signifie que le pays ne peut pas réaliser d’autres dépenses prioritaires. Les subventions profitent davantage aux gens dont la consommation est élevée alors qu’une grande partie de la population sénégalaise n’est pas connectée ou consomme très peu. Autrement dit, la subvention bénéficie essentiellement aux consommateurs plus aisés. Est-ce la meilleure utilisation des ressources publiques qui sont limitées ? Ou bien faut-il investir davantage, par exemple, dans les bourses de sécurité familiale pour soutenir les plus démunis ? C’est une question de société à laquelle seuls les Sénégalais peuvent répondre, mais il est important qu’ils aient toute l’information.

Les bourses de sécurité familiale, la Couverture maladie universelle ne sont-elle pas des initiatives à encourager ?
Nous ne sommes pas des experts dans ces domaines, mais certainement l’idée qu’il faille développer le filet de protection sociale est largement soutenue par le Fmi.

Le Sénégal a réussi, en février, son passage au Groupe consultatif de Paris. Quelle appréciation faites-vous du Plan Sénégal émergent et de l’étape de Paris ?
Le Plan Sénégal émergent est d’abord un document qui offre un bon diagnostic des forces et faiblesses du Sénégal, c’est une bonne base de travail. C’est une vision pour le Sénégal à moyen terme, qui est porté par les plus hautes autorités de l’Etat. A Paris, tous les représentants de l’Etat étaient convaincus que c’est la bonne stratégie pour le Sénégal. Cette bonne appropriation du plan par les autorités est a priori un élément qui devrait contribuer au succès de la mise en œuvre. Le plan est très ambitieux. Une façon d’illustrer cette ambition, c’est de regarder les taux de croissance. Sur les cinq dernières années, le Sénégal était à 3,5% en moyenne. L’objectif à moyen terme est d’aller à 7-8%. Cela illustre bien l’ambition du Pse. Le Pse est un plan d’investissement et de réformes sur le moyen terme. Il y a 27 projets dans le Plan d’actions prioritaires. Le montant total de ces projets dépasse 100% du Pib, c’est très substantiel. Le secteur privé va y contribuer mais le gros des investissements viendrait de l’Etat. Il y a un élément très intéressant qu’il faut souligner : les autorités réaffirment l’importance de préserver la viabilité des finances, donc elles n’envisagent pas de financer cet important surcroît d’investissement en laissant filer le déficit budgétaire. L’idée, c’est de faire de la place pour cet important investissement supplémentaire en restructurant le budget, c’est-à-dire en rationnalisant les dépenses courantes, en éliminant les inefficacités, celles qui peuvent exister dans le budget de fonctionnement actuel et en faisant des efforts du côté des recettes. Nous soutenons ce mouvement de rééquilibrage des dépenses courantes vers les dépenses d’investissement. Nous sommes à la disposition des autorités sur ce point pour les aider à spécifier les mesures qui permettront d’y arriver. Ce n’est pas un aspect qui est très développé dans le plan, il va falloir le développer au cours des prochaines semaines. Nous allons en mission à Dakar, cette semaine, et nous aurons des discussions sur ce thème avec les autorités.

Il y a le volet des réformes. Il y a des réformes budgétaires dont j’ai parlé pour avoir ce rééquilibrage entre dépenses de fonctionnement et dépenses d’investissement. Les autres sont tout aussi importantes. Il y a, dans le Pse, 17 réformes prioritaires qui sont essentielles puisqu’elles visent à améliorer le climat des affaires, à rendre l’investissement privé plus productif. Il y a des réformes très profondes qui vont prendre du temps, comme la réforme foncière. Les réflexions sur cet important thème sont en cours. Il y a la réforme du secteur électrique qui est déjà engagée et qu’il faut accélérer. Le Pse, ce n’est pas seulement un programme d’investissements, c’est aussi les réformes. Réforme de l’Etat pour faire de la place à l’investissement et réforme de l’économie pour créer un environnement favorable au privé.

Dans la mise en œuvre et le suivi du Pse, le Sénégal peut-il compter sur l’expertise du Fmi ?
Evidemment, le Sénégal peut compter sur le soutien du Fmi dans ses domaines d’expertise. Nous n’avons pas d’expertise sur la réforme foncière par exemple. En revanche, nous en avons dans le domaine des finances publiques et de la réforme de l’Etat (composition des dépenses, collecte plus efficace des recettes…). Nous mettrons notre expertise à la disposition des autorités pour la mise en œuvre et le suivi du Pse.

L’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd) annonce un taux de croissance de 2,4% pour l’année 2013 alors que les projections du Fmi et de l’Etat du Sénégal tablaient sur 4%. Comment expliquez-vous cette baisse ?
L’estimation de 2013 n’est pas notre travail, nous faisons de la projection. Les autorités ont aussi leurs projections, généralement, nous tombons d’accord sur les années futures. Les estimations du passé, c’est le travail des autorités, nous n’avons pas mandat pour le faire. Nous prendrons le chiffre qui est celui des autorités et nous l’analyserons pour en tirer les conséquences pour les projections. Nous avons eu une mauvaise surprise sur le secteur agricole en raison du manque d’eau, cela est certain. La question, c’est quelle est l’ampleur du recul du secteur agricole en 2013, et c’est là qu’il semble y avoir une divergence entre l’Ansd et le ministère des Finances. Les services du ministère des Finances et de l’Ansd sont en train de coopérer pour comparer l’information dont ils disposent. Je ne doute pas qu’ils vont arriver à se mettre d’accord.

Je voudrai aussi noter qu’il y a paradoxalement un côté positif à la mauvaise surprise que nous avons eu en 2013 : mécaniquement, cela peut provoquer un surcroît de croissance en 2014. Dans les deux estimations, la baisse de la production agricole est en deçà de ses niveaux tendanciels en comparaison des cinq dernières années. Une projection sur le secteur agricole, notamment la pluviométrie, n’est pas facile. Toute chose étant égale par ailleurs, si l’on sort d’une année où la production a été au-dessous de la moyenne habituelle, on réalise des taux de croissance élevés quand on retourne à la situation normale. Nous allons donc, sans doute, revoir, à la hausse, nos projections sur le secteur agricole en 2014.

Peut-il y avoir un impact négatif de cette révision à la baisse du taux de croissance de 2014 sur le Pse ?
Je ne crois pas que cela change énormément les choses. Encore une fois, la mauvaise surprise reflète les aléas climatiques. Cela fait malheureusement partie des éléments à prendre en compte pour les économies du Sénégal et des pays de l’Uemoa. Je ne crois pas que cela remette en cause les objectifs du Pse. Il faut garder, en tête, les ambitions du Pse. Le Sénégal veut procéder à une rupture très fondamentale en voulant passer à une croissance de 7-8 %.

Pensez-vous qu’une croissance de 7% puisse générer assez d’emplois pour la jeunesse ?
Une croissance de 7% générerait forcément des emplois. Mais la croissance peut générer plus ou moins d’emplois en fonction de ce qui la tire. Par exemple, une croissance tirée essentiellement par l’exploitation des ressources naturelles ne crée pas beaucoup d’emplois. Mais ce n’est pas ce qui est envisagé dans le Pse. Le Pse, c’est le développement du secteur agricole qui occupe une grande partie de la population du Sénégal, le secteur du tourisme et certains services qui sont intensifs en main-d’œuvre, mais aussi le développement des petites industries manufacturières qui peuvent créer des emplois, etc.

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