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Corruption dans la circulation: Phénomène polymorphe et complexe
Publié le mercredi 31 juillet 2019  |  Enquête Plus
Sommet
© aDakar.com par MC
Sommet de la Francophonie: Dakar fait peau neuve
Dakar, le 27 Novembre 2014: A quelques jours du début du XVe Sommet de la Francophonie, la ville de Dakar, la capitale du Sénégal, a totalement changé de visage.
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La corruption dans la circulation est un serpent de mer. Un sujet délicat. Un phénomène dont presque tous les pays d’Afrique ont en partage. Au Sénégal, les autorités veulent y mettre fin. Mais est-ce qu’elles s’en donnent les moyens ? Les chauffeurs dans l’illégalité plaident coupables et invitent l’Etat à réglementer le secteur du covoiturage et du transport ‘’clando’’. Et continuent à graisser les pattes pour pouvoir circuler. ‘’EnQuête’’ aborde le sujet dans ce dossier.

Mea culpa

Chez les conducteurs, les avis sont divers sur la question de la corruption dans le secteur du transport. D’aucuns estiment n’avoir d’autre choix que de mettre la main à la poche pour s’en sortir ; d’autres bottent en touche et dénoncent négligence et laisser-aller. Mais tout le monde s’accorde à dire que les chauffeurs sont fautifs, en se complaisant dans l’illégalité.

Péage de Thiaroye, sur l’axe Dakar - Thiès, en ce début de matinée dominicale très ensoleillée. Point d’embouteillage à l’horizon. Les conducteurs s’en donnent à cœur joie, en roulant à vive allure. Dans le ‘’taxi-clando’’ qui nous mène à Mbour, le chauffeur se met à fulminer. Car, au moment de payer son ticket du péage, un gendarme l’a interpelé pour lui demander son permis de conduire. Les clients lui demandent ce qu’on lui reproche. Il répond d’un ton peu amène : "Il veut bouffer mes 2 000 F Cfa." Il se gare et va rejoindre l’homme de tenue. De retour, quelques minutes après, il ne décolère pas : "J’ai payé 2 000 F Cfa. On me reproche le délit de transport irrégulier, car je n’ai pas le droit de le faire.’’

A la question de savoir où ira l’argent, le conducteur rétorque, caustique : ‘’Dans sa poche.’’ ‘’Le pire est qu’on n’a personne pour nous défendre. Puisque c’est notre gagne-pain, on continue à payer cette somme. On n’y peut rien du tout", laisse entendre le jeune chauffeur aux dreadlocks.

Une fois à Mbour, après moins d’une heure de voyage, commence un jeu de cache-cache avec les forces de l’ordre. En effet, pour contourner les gendarmes en faction, les chauffeurs de ‘’clando’’ empruntent des chemins de traverse. Ils s’engagent dans des routes secondaires, au risque de s’enliser dans cette zone sablonneuse. ‘’Je suis obligé, des fois, de n’embarquer que 4 personnes au lieu des 7 que je dois prendre dans ma voiture, pour passer entre les mailles des hommes de loi. Entre Dakar et Kaolack, il y a plusieurs contrôles et, à chaque fois, on paye 2 000 F Cfa. A ce rythme, on risque de ne rien gagner. Par contre, quand la voiture n’est pas pleine, on a plus de chance de s’en sortir. Une fois à Mbour, je passe par des ruelles, loin des gendarmes’’, explique Abdoulaye Diallo, un chauffeur qui maitrise bien cet axe du département de Thiès.

Ailleurs, sur la route de Saint-Louis, à hauteur de Ndam, à quelques jets de la ville de Louga, en cette matinée de début de week-end, le contrôle des hommes de la maréchaussée est strict. ‘’On interdit ici à certaines voitures de s’adonner au transport en commun. La sanction est sévère. On paye une forte somme d’argent. Les gendarmes ne badinent pas avec cela. La dernière fois, j’avais des clients qui voulaient se rendre à Louga, pour une réunion de famille. Ils avaient pris tous mes papiers. J’avais été obligé de les récupérer, le jeudi suivant, après plusieurs conciliabules. Avec les gendarmes de la légion territoriale, non seulement tu payes de l’argent, mais ils te font poireauter pendant plusieurs jours. Je reconnais que nous sommes dans l’illégalité, mais que faire d’autre, car c’est notre boulot", déclare Mor Fall, un chauffeur convoyant 6 clients à Louga.

Selon lui, la seule chose à faire est de réglementer le secteur.

A Dakar, les chauffeurs de ‘’taxi-clandos’’ payent aussi un lourd tribut. Rares sont ceux qui ont des papiers en bonne et due forme, dit-on. De ce fait, ils sont dans l’obligation de mettre la main à la poche pour continuer à circuler librement. ‘’On n’y peut rien, mon cher. Nous n’avons pas de papiers, donc, nous sommes obligés de le faire. Je préfère gagner 10 000 F la journée et d’en sortir un 2 000 F que d’avoir une journée morte. Cela va vous sembler bizarre, mais nous sommes aussi coupables que les autres’’, déclare un chauffeur.

‘’Je refuserai d’emprunter la route, quand je ne suis pas en règle’’

Dans cette affaire, les jeunes conducteurs sont au banc des accusés. Car tous les frais pour obtenir des papiers en règle ne dépassent pas 30 000 F Cfa. Il s’agit de l’assurance, du droit de stationnement, de la carte crise, de la visite technique, du permis de conduire, du livret et de la licence.

‘’Les hommes de tenue ne demandent jamais de l’argent à quelqu’un qui est en règle. Ils te laissent partir, quand tu es en règle. Sauf que les jeunes conducteurs ne le sont jamais’’, dénonce un vieux conducteur aux cheveux poivre et sel, sur l’autoroute à péage de l’axe Pikine – centre-ville. Confortablement assis derrière son volant, bien sapé et lunettes bien vissées sur le nez, il confie : ‘’Cela fait plus de 30 ans que je conduis mon taxi, mais je n’ai jamais donné un sou à un homme de tenue. A chaque fois que je suis contrôlé, je suis en règle et on me laisse passer. Je ne badine pas avec et je refuserai d’emprunter la route, quand je ne suis pas en règle. Il est hors de question qu’on me manque de respect’’, martèle-t-il.
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