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Aphrodisiaques et sexualité: Le baiser mortel
Publié le mardi 25 juin 2019  |  Enquête Plus
Louma
© aDakar.com par DF
Louma Terminus Liberté 5
Le "louma" (marché) agricole de Liberté V (banlieue de Dakar) permet aux producteurs et consommateurs de vendre ou d`acheter à bon prix en réduisant le nombre d`intermédiaires de la chaîne d`approvisionnement des produits agricoles
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Les produits aphrodisiaques, très prisés de nos jours, sont vendus dans tous les coins de Dakar. Mais leur consommation n’est pas sans conséquence ni danger. En témoigne certaines histoires tragiques. Mais, ces produits ont des partisans farouches. Ce qui rend inaudible la voix des spécialistes de la santé qui attirent l’attention sur ces poisons qui tuent à petit feu. Cancer, maladies rénales, cardiovasculaires, impuissance sexuelle…, sont le revers de la médaille de la quête effrénée de performances sexuelles.

Emmitouflée dans un boubou ample de couleur verte, foulard à la tête, Seynabou Hann s’est recouverte d'une écharpe marron. Au marché Tilène de Dakar, cette vendeuse tient une table où elle étale légumes et condiments. Teint clair, cette mère de deux enfants, très joviale, traine les cicatrices d’une mésaventure rencontrée lors d’une recherche inconsidérée de plaisir sexuel. En effet, elle a divorcé de son mari, à cause des conséquences de produits aphrodisiaques dont elle raffolait et abusait. Depuis lors, elle s'est lancée dans le commerce pour nourrir sa progéniture.

‘’J’utilisais ces médicaments chaque soir et mon mari se précipitait pour rentrer du boulot. Je lui procurais beaucoup de plaisir. Il en était venu à déserter le lit de ma coépouse’’. Dans sa vie de couple, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, jusqu’à ce que les premiers signes d’une infection viennent annoncer le début d’une descente aux enfers. ‘’Au fil du temps, j’ai commencé à sentir des douleurs. Après une consultation avec mon mari, le gynécologue nous a annoncé que je souffre d’une infection grave. Que pour vivre plus longtemps, il me fallait une opération génitale. Dès lors, mon mari m’a répudiée, car je ne peux plus avoir de relations sexuelles’’, confesse-t-elle, l’air désespéré.

Quelques mois plus tard, son mari a divorcé de sa seconde épouse. ‘’Il est revenu à la maison me suppliant de lui pardonner. Ce que j’ai refusé. Mon mari est devenu impuissant, à cause de ces produits. C’est pour cela que mon ex-coépouse l’a quitté. Il voulait se racheter. J’ai tourné la page’’.

En fait, l’histoire dramatique Seynabou n’est que la partie visible de l’iceberg. L’utilisation des médicaments aphrodisiaques est fréquente chez les jeunes Sénégalaises qui n’ont pas encore la quarantaine. Ces aphrodisiaques, ni conseillés, ni prescrits par un médecin, sont à l’heure actuelle des produits très prisés. Pourtant, les spécialistes en médecine dénoncent leur prise sans prescription préalable. Selon eux, certaines peuvent avoir des conséquences graves sur la santé du sujet et peut même causer mort d’homme.

‘’Viagra ‘’, ‘’Hot sex‘’, ‘’Nèguèden‘’, ‘’villa clé‘’, ‘’Tassouma ‘’, ‘’cristal’’, ‘’Max-men’’, ‘’neuunexx’’..., sont les noms pittoresques de ces aphrodisiaques, très dangereux avec leurs effets incontrôlables qui nuisent petit à petit à la santé.

Comme toujours, au départ, il y a le téléphone arabe. Seynabou a commencé à se procurer ces aphrodisiaques, sur conseil de ses amies qui lui ont vendu le mérite de ces stimulants. ''On avait l'habitude d'organiser des séances de retrouvailles et de causeries, chaque premier week-end du mois, chez l'une d'entre nous. C'est ainsi que mes amies m'ont conseillée ces produits'', confie-t-elle.

‘’Au cours d’une relation intime, il s’est effondré sur moi’’

En prêtant une oreille à notre conversation, une jeune dame, très touchée par le sujet, sent le besoin de témoigner. Son objectif, dit-elle : ‘’sauver des vies’’ en révélant son histoire au grand public. Elle a voulu garder l’anonymat dans un premier avant de finir par accepter de lever le coin du voile. Son nom, Oumou Wane. Elle a 36 ans. Cette voilée, devenue veuve, depuis quelques années, vend de l’encens dans ce marché.

‘’Mon époux avait l’habitude de consommer ces genres de médicaments. Un jour, au cours d’une relation intime, il s’est effondré sur moi. J’ai pensé qu’il s’était évanoui. Je l’ai poussé hors de moi et suis sortie de la chambre en criant pour demander de l’aide’’, confie-t-elle. Mais, le mal était déjà fait. ‘’Quand mes voisins sont arrivés, ils ont essayé de le réanimer, en vain. Un d’entre eux a appelé une ambulance pour l’acheminer à l’hôpital. A son arrivée, le médecin accompagnant l’ambulancier m’a dit qu’il est mort, depuis longtemps’’.

Pour Oumou, la mort de son mari a été causée par la consommation excessive de ce médicament sans dose. En effet, précise-t-elle, une autopsie a été faite, mais la famille du défunt n’a jamais voulu lui dire les causes de la mort. ‘’J’ai su que ce sont les aphrodisiaques. Parce qu’un jour, il est entré en érection, depuis la nuit jusqu’au petit matin. Il a tellement souffert, ce jour-là !’’, se souvient Oumou Wane.

Malick Sow est un commerçant de produits cosmétiques. Il n’oubliera pas de sitôt sa première expérience et déconseille vivement l’usage de ces produits. Particulièrement celui de couleur bleue se trouvant dans une plaquette. ‘’Un jour, j’en ai consommé. Et toute la journée, au cours d’un rapport sexuel, je n’ai pu jouir qu’entre 17 h et 18 h’’, se remémore-t-il.

Au vu de ces résultats, certaines jeunes femmes ne cachent pas leur répulsion à la prise d’aphrodisiaques, de peur de subir les effets indésirables. L’expérience des uns et des autres a démontré que son surdosage entraîne une érection prolongée et une hypertension, au risque d’une mort subite au cours d’un rapport sexuel intense.

‘’Depuis que j’ai commencé leur utilisation, je fais du bon travail à la maison’’

Mais cette perspective de mort subite ne semble pas inquiéter une partie de la gent féminine. Aïcha Sène, en fait partie. Cette jeune étudiante admet qu’elle utilise les médicaments aphrodisiaques, lors des relations intimes avec son copain, juste dans le but de pimenter la chose. ‘’De nos jours, pour que ton homme soit accro à toi, il faut utiliser ces médicaments et les faire consommer à son conjoint pour agrémenter la relation, car certains jeunes n’arrivent pas à satisfaire sur ce point. Il est rare aujourd’hui de voir des jeunes filles et garçons qui ne les consomment pas en cachette’’, croit-elle savoir.

De même qu’elle, son amie Alice Dieng utilise fréquemment ‘’cristal’’, et ‘’femme-puissante’’. ‘’Nous sommes au 21eme siècle. On évolue avec le temps. Nos mamans ne font pas ces choses, parce qu’elles sont d’une autre génération. J’utilise les médicaments aphrodisiaques en prélude de chaque rapport, pour que mon mari ne parte pas voir ailleurs. Et puis, les dames de nos jours aiment les hommes qui les secouent bien au lit‘’, indique Alice Dieng.

Samba Diop, étudiant à l’université Cheikh Anta Diop, ne compte pas lâcher ces produits. Ce père de famille s’en procure deux fois le mois. Il les achète dans une boutique très populaire en ville. ‘’Je préfère les tisanes. J’en consomme le matin avant de partir. Cela me donne de l’énergie. D’ailleurs, depuis que j’ai commencé leur utilisation, je fais du bon travail à la maison. Beni soit le jour où ces produits sont arrivés au Sénégal’’, s’exclame Samba Diop. Plusieurs acheteurs d’aphrodisiaques sont convaincus que ces produits aident à bien faire l’amour. Ils donneraient de l’endurance sexuelle.

‘’Les effets secondaires sont extrêmement graves’’

Pourtant, il y a de quoi faire attention à ces produits. Selon les spécialistes en médecine, l’utilisation de ces aphrodisiaques peut causer des maladies du foie, des problèmes au cœur, rénaux, des pathologies sexuelles, etc. ‘’Le risque le plus élevé est un arrêt cardiaque, car le phénomène consiste en un pompage rapide du sang pour maintenir le sujet en érection, pendant un certain temps. Alors, le cœur y joue un rôle considérable en ce moment-là et les conséquences s’en suivent, en cas de fatigue’’, confie le laborantin Docteur Moussa Niass. Il déconseille le recours à ces produits qu’on ne connaît pas très bien, qui n’ont jamais été bien identifiés.

Le gynécologue, docteur Fallou Samb, renseigne que ces produits venus de la Chine sont très toxiques. ‘’Tout ce qui est consommé par l’homme et la femme reste dans l’abdomen. C’est ce que les gens ne savent pas. Cela crée, à la longue, beaucoup de conséquences comme les infections, les maladies cancéreuses, rénales, cardiovasculaires, l’impuissance masculine et l’infertilité chez la femme’’, prévient le gynécologue.

Selon lui, l’on ne se pose jamais la question de savoir pourquoi les maladies rénales et cancéreuses ont connu cette évolution, en moins de 10 ans. ‘’Cela est dû à ces produits consommés ou utilisés. Ils sont très nocifs et leurs effets secondaires sont extrêmement graves. Le plus graves c’est la façon dont ils sont utilisés. Il faut que l’Etat lutte contre (le phénomène) pour aider les populations’’, préconise-t-il.

A l’en croire, rien n’est bon dans ces aphrodisiaques. ‘’On se tue à petit feu en les consommant. Il faut que les gens prennent conscience de cela’’, interpelle le médecin. Astou Guèye, sage-femme, souligne que ces produits dont on ne connait pas la composition chimique sont très dangereux pour la santé. ‘’Ils peuvent entraîner la mort subite pendant la relation sexuelle", sans compter "les troubles des reins et problèmes cardiaques’’.

VIVIANE DIATTA
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