Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Annonces    Femmes    Nécrologie    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article
Société

Aujourd’hui 23 juin 2011 : la révolte de la Rue Publique contre les tenants de la République
Publié le dimanche 23 juin 2019  |  senenews
Aujourd’hui
© Autre presse par DR
Aujourd’hui 23 juin 2011, Touche pas à ma constitution
Comment


23 juin 2011, une date tristement inoubliable ! De mémoire d’homme, jamais une manifestation politico-citoyenne n’a eu à regrouper tant de personnes unies pour la même cause. Jamais, depuis Léoplod Sédar Senghor, une réforme constitutionnelle n’a été à l’origine de tels transports de colère et d’amertume. Le ticket présidentiel que voulait instaurer le président Wade, énième touchette à la constitution, a été à l’origine de tout le bazar noté ce jour du 23 juin 2011. La mobilisation s’est certes soldée par une bataille remportée mais, 8 ans après, la guerre reste quasi entière.

Ticket présidentiel et quart bloquant : la goutte d’eau qui a fait déborder le vase

Déterminées à en découdre avec un régime qui, fort de sa majorité parlementaire, taille la constitution sur mesure et déroule sa politique de patrimonialisation du pouvoir sans obstacles majeurs, la société civile et l’opposition se mettent en ordre de bataille. A maintes reprises, entre 2007 et 2012, le président Wade s’est illustré dans la désacralisation de la constitution à laquelle elle touche sans scrupules. Après avoir nommé son fils ministre en charge des infrastructures, des transports terrestres et aériens, ce qui lui valut le surnom très flatteur de « ministre du ciel et de la terre », le président Wade pense à se faire succéder par ce rejeton et se donne tous les moyens de voir son désir se réaliser. Alors, il juge plus simple et légal de passer, au lieu d’un référendum, par sa majorité parlementaire moutonnière malgré le manque de légitimité de Karim Wade qui n’a même pas pu gagner la mairie de Dakar en 2009.

Adopté en conseil des ministres le 16 juin 2011, le projet de loi qui allait introniser le fils va être examiné et adopté facilement par la commission des lois de l’Assemblée nationale. Très minoritaire, l’opposition passe pour aphone dans les débats mais réussit à mobiliser le peuple, dernier rempart pour faire échouer ce projet de loi. Quoiqu’étant du groupe parlementaire libéral, l’avocat Maitre El hadji Diouf remue ciel et terre pour faire capoter le plan des Wade. « Touche pas à ma constitution » devient ainsi le cri de guerre des gens de l’opposition et des mouvements citoyens à travers tout le pays. A défaut d’arrêter le président Wade et ses souteneurs de façon diplomatique, un bras de fer s’impose et le peuple, toutes couches confondues, se dresse comme un seul homme devant celui qu’il a élu et qui est supposé être « gardien de la constitution ».

Un contexte socio-économique tendu

Pourquoi la loi provoque-t-elle une telle colère ? Dans un contexte où il y a eu des émeutes de la faim (avec la rareté ou la cherté des denrées de première nécessité) et émeutes d’électricité dus aux innombrables délestages, une telle explosion de colère devient compréhensible. Le passage du ticket présidentiel sert donc d’occasion aux laissés-pour-compte du régime de Wade et ils le saisissent de fort belle manière. La loi du 23 juin allait être, si elle était adoptée, le prolongement d’un système essoufflé et dont des milliers de citoyens étaient exclus. Les mouvements citoyens se sont joints aux manifestations surtout pour dire non au quart bloquant qui allait permettre au président Wade non seulement de rempiler avec juste 25% des suffrages mais aussi de coltiner son fils au sommet de l’Etat avec le ticket présidentiel.

Des gens ont payé de leurs vies et d’autres en sont sortis avec des traumatismes qu’ils n’oublieront jamais. Surarmée et en surnombre, la police quadrille la Place Soweto le matin du 23 juin mais ne peut venir à bout de la détermination des manifestants. Parmi ceux-ci, figuraient un certain Macky Sall (qui deviendra président de la République quelques mois plus tard) et un certain Moustapha Niasse (qui devra diriger cette institution parlementaire même). Témoins directs des évènements, ces deux personnalités sont assez bien placées pour comprendre ce qu’est capable de faire un peuple blessé dans son orgueil.

Mais les mouvements citoyens tel que le mouvement des jeunes rappeurs Y’EN A MARRE et des associations de droits de l’homme comme la Rencontre africain des droits de l’homme (Raddho) dirigée par Alioune Tine prennent le devant, suivi de tous les partis politiques de l’opposition regroupés majoritairement au sein de Bennoo Siggil Senegaal. Malgré une journée ponctuée de répression, d’arrestations, d’agressions et mêmes de meurtres, la rue publique obtient le dernier mot sur la République. Le ministre de la Justice Cheikh Tidiane Sy, venu défendre ledit projet, va tout simplement annoncer son retrait nonobstant le refus de certains parlementaires comme Seynabou Wade, insoucieux des conséquences que son adoption allait provoquer auprès de la marée humaine assiégeant l’Assemblée nationale.

23 Juin 2011-23 juin 2019 : une bataille remportée mais une guerre pas encore gagnée

Le grand gagnant de ces manifestations du 23 juin 2011 n’est pas le peuple ou les mouvements citoyens mais le candidat Macky Sall qui, pourtant, n’a pas été présent à tous les combats. 8 ans après ce sombre épisode de l’histoire politique de notre nation, le problème reste entier. Le peuple sénégalais a gagné la bataille contre le régime de Wade mais pas la guerre contre la corruption, le détournement, l’impunité, le clientélisme, la patrimonialisation du pouvoir qui constituent les goulots d’étranglement de notre chère patrie. Or la mobilisation était moins contre Wade que contre un système appelé à se reproduire des années après.

Comme par ironie, l’histoire bégaie encore un mois de juin avec la diffusion récente d’une enquête de la BBC mouillant ou plutôt noyant le frère du chef de l’Etat dans le pétrole sénégalais. Pour Wade, on s’insurgeait contre le forcing pour imposer le fils qui avait fini d’occuper les stations les plus élevées de son gouvernement. Et pour Macky Sall qui s’était juré de ne jamais nommé son frère, le choix de mettre celui-ci à la tête de la Caisse de dépôts et de consignation (CDC) est contradictoire. Autant le président Wade a été perdu par l’amour filial démesuré, autant le président Sall est en train de payer pour ses décisions et celles de son frère si gênantes et aux antipodes de la « patrie avant le parti ».

A l’instar des manifestations régulières qui se tenaient le 23 de chaque mois à partir du 23 juin 2011, la mobilisation contre la famille du président Sall risque de devenir intenable avec déjà deux mobilisations énormes de la plateforme « Aar Li Nu Bokk ». Si le cap est maintenu à l’instar des gilets jaunes qui optaient pour le samedi et des Algériens avec leurs manifestions anti-Bouteflika les vendredis, il y a fort à parier que le pays sera difficilement gouvernable. Qu’à cela ne tienne, après le 23 juin 2011, le Sénégal n’avait pas le droit de revivre de telles situations où la famille du président s’accapare de tout pendant que le reste du peuple vivote et se meurt.


Par Ababacar Gaye
Commentaires