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Fête du Travail: Les papys inamovibles, l’Etat serre la ceinture
Publié le vendredi 3 mai 2019  |  Enquête Plus
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© Présidence par DR
1er mai: Remise des cahiers de doléances au président de la République
Dakar, le 1er mai 2019 - Le président de la République a reçu au palais les centrales syndicales pour la traditionnelle remise des cahiers de doléances à l`occasion de la fête internationale du Travail.
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C’est une Fête du travail pas comme les autres. Hier, face aux syndicalistes, Macky Sall a livré un discours très salé. En lieu et place des cadeaux habituels, il a servi un discours austère, qui laisse peu d’espoir quant à une satisfaction des plateformes revendicatives. Au demeurant, la cérémonie a été marquée par la présence, une nouvelle fois, de la plupart des papys du mouvement syndical qui refusent de céder la place.



Les années passent, les présidents passent, mais certains représentants des syndicats, eux, restent. Plus que jamais inamovibles à leurs postes. Ainsi, si l’on calculait la moyenne d’âge, dans la direction des centrales les plus représentatives, on ne serait pas loin des 60 ans. C’est-à-dire de l’âge de la retraite. Pour autant, les papys s’arc-boutent et refusent de laisser la place aux plus jeunes. En dehors de quelques exceptions. Hier encore, ils étaient là. Face au président de la République Macky Sall, ils ont remis ça. Entre généralités et discours laudatifs, certains ont agacé l’assistance. Le secrétaire général de la Cnts/Fc, Cheikh Diop, lui, comme chaque année, est revenu sur l’un de ses sujets favoris : la situation des entreprises mortes il y a de cela plusieurs décennies. Dans son cahier déposé sur la table du président reviennent les dossiers Air Afrique, Sotrac, Sias…

La réponse du président Macky Sall est cinglante : ‘’Nous ne pouvons pas continuer de parler du passif social chaque année. Si on suit cette logique, cela veut dire que je ne vais pas travailler pour l’avenir, mais pour réparer les erreurs des autres. Ce n’est pas possible. Et puis des syndics ont été pris pour se charger des liquidations de ces entreprises. C’est à eux de vendre les actifs et de payer les droits des travailleurs. On ne peut pas continuer tout le temps à retourner en arrière’’, peste-t-il, alliant humour et fermeté.

Cette année, la fête a aussi été marquée par les absences d’autres figures de proue qui, elles aussi, comme Cheikh Diop, restent indéboulonnables à la tête de leurs organisations syndicales. On peut citer Mademba Sock, Secrétaire général de l’Unsas. Bien qu’alité depuis plus d’un an, il n’arrive toujours pas à être remplacer à la tête de cette centrale. Comme l’année dernière, il s’est fait représenter. En son nom, Yvette Keita, seule femme à s’être exprimée hier devant le chef de l’Etat, a plaidé pour l’habitat social, la situation des travailleurs du secteur ferroviaire, la baisse des prix des hydrocarbures…

Une autre figure de proue du mouvement syndical a également été empêchée pour raison de maladie. Il s’agit du secrétaire général de la centrale la plus représentative du Sénégal, à savoir la Cnts. L’autre papy, secrétaire général de la Fgts, lui, était bien là. Comme à son habitude, Sidya Ndiaye s’est beaucoup appesanti sur les secteurs de la santé, du logement social, mais surtout sur l’acte 3 de la décentralisation et les collectivités locales. A l’image de leurs auteurs, il faut mentionner que certains discours sont restés aussi vieux que la cérémonie de dépôts des cahiers de doléances. S’ils n’ont été agrémentés par des félicitations et remerciements du chef de l’Etat nouvellement réélu.

Rares parmi les jeunes responsables du mouvement syndical, en tout cas parmi ceux qui se sont exprimés hier devant le chef de l’Etat, Bamba Kassé a mis en exergue les maux qui assaillent le secteur de la presse. Retard dans l’application du nouveau code, notamment la carte nationale de presse et le fonds d’appui à la presse, la mise en place de la Harca (Haute autorité de régulation de la communication audiovisuelle). ‘’Il faut, dit le Sg du Synpics, que le Sénégal passe de son statut de champion du monde des belles initiatives au statut de champion du monde des initiatives abouties’’. Bamba plaide également pour un renforcement de la liberté de la presse et l’amélioration de l’environnement pour mieux faire face aux dérives telles les ‘’fake news’’ et les articles commandités. Pour lui, il est incompréhensible que les reporters croulent sous le poids de la misère, tandis que certains patrons sont dans l’opulence.

Dans sa réponse, le président s’est insurgé contre l’anarchie dans le secteur des médias, avant de sommer le gouvernement de diligenter la nouvelle législation pour la presse, notamment en accélérant la finalisation des décrets d’application. Pour ce qui est de la connivence hommes politiques et médias, il pense que cela n’existe plus sous son régime. ‘’Il y a plus des hommes d’affaires qui contrôlent des organes de presse que des politiques, que je sache. Mais ça, c’est partout dans le monde. Pour les hommes politiques, peut-être qu’il en existe qui financent en cachette, mais je ne pense pas qu’il y ait des organes qui appartiennent aux politiques, comme c’était le cas avant’’, s’est-il défendu.

Par ailleurs, les syndicalistes ont également pointé un doigt accusateur sur le patronat que certains accusent de fouler au pied la règlementation en vigueur. Pour Sidya Ndiaye, dans l’hôtellerie, ces derniers s’arrangent pour envoyer les employés à la retraite avant l’âge légal qui est de 60 ans. Dans son viseur, il y a également la Compagnie sucrière sénégalaise qui se serait séparée de 1 000 travailleurs de façon tout à fait illégale. Il est également reproché au secteur privé de retarder les négociations sur la hausse des salaires.

Hausse en vue du prix du ciment, refus de l’alignement des indemnités, défense du patronat sur la hausse généralisée des salaires, 300 milliards pour l’achat des véhicules pour l’Administration…

Toujours répondant aux interpellations, le président de la République n’y est pas allé de main morte. Bien au contraire. Hier, Macky Sall a été peu tendre avec le mouvement syndical (voir encadré). Sur le régime indemnitaire et la revendication des acteurs de la santé, il a été clair : ‘’Nous avons trouvé ici un régime indemnitaire déstructuré. Avant, la rémunération, c’était sur la base des diplômes. Mais on a, par la suite, pris certaines catégories et on leur a donné des indemnités exponentielles. C’est ce qui nous a menés vers ça. Comment le régler ? Ce n’est pas par l’alignement de tout le monde. Ce n’est pas possible. Sinon, on va se retrouver avec une masse salariale de plus de 3 000 milliards. Il n’est pas non plus possible de toucher aux droits acquis des privilégiés. Il faut donc continuer la réflexion qui a déjà été entamée par le gouvernement.’’ Sur les logements sociaux, Macky Sall se veut également formel. Il fulmine : ‘’Nous avons mis en place des mécanismes dont le Fogalog. Nous allons ainsi faciliter l’obtention du crédit aux travailleurs, en supprimant notamment les apports. N’oubliez pas que notre objectif, c’est 100 mille logements durant ce mandat. C’est au minimum 20 mille logements par an. Maintenant, l’accès au logement, ce n’est pas un droit. Sinon, on va le donner à chaque Sénégalais. On peut, néanmoins, mettre en place des facilités’’.

Intraitable, le chef de l’Etat d’annoncer une nouvelle taxe sur le ciment. Il va même jusqu’à informer sans ambages que le produit pourrait connaitre une hausse, mais c’est le prix à payer pour la matérialisation de son objectif.

Relativement à la hausse généralisée des salaires dans le secteur privé, il rétorque : ‘’Je salue les négociations. Il faut que le patronat fasse des efforts, mais il faut aussi que les syndicalistes acceptent de revoir à la baisse les revendications ; 20% dans ce contexte, ce n’est pas raisonnable. Pour créer des emplois aussi, il ne faut pas corser les charges pour le patronat. Mais je demande au patronat de faire encore plus d’efforts.’’ Le président de la République appelle, en outre, les travailleurs à travailler plus et à aller de moins en moins en grève.

Voulant jouer carte sur table jusqu’au bout, il informe que l’Etat met plus de 300 milliards dans l’achat de voitures chaque année, soit 2 000 voitures par an pour ses différents services.

La hantise des ajustements structurels

140 milliards de salaires pour les agences, 864 milliards du service de la dette, peu de ressources pour l’investissement, Macky Sall crie son ras-le-bol et informe que si l’Etat continue à suivre les syndicats, il encourt à nouveau les plans d’ajustement structurel.

‘’L’Etat a fait beaucoup d’efforts pour l’amélioration des conditions de vie des travailleurs. Mais il faut savoir comment fonctionne un Etat. Depuis trois à quatre ans, nous avons bloqué les prix du carburant. Cela nous a amené un gros manque à gagner. En même temps, nous subventionnons les prix de l’électricité. C’est ainsi que nous avons mis, l’année dernière, 105 milliards de F Cfa au titre de la subvention de la Senelec, en plus de 140 milliards de pertes de recettes.

Au total, c’est plus de 250 milliards de manque à gagner à compenser. Je pense qu’il faut que ça soit clair dans la tête de tous les Sénégalais. En sus de ce manque à gagner énorme, l’Etat fait face à la masse salariale qui est de 80 milliards chaque mois. Par année, c’est 860 milliards de F Cfa, compte non tenu des agences et assimilées. Rien que pour les agences, c’est 140 milliards. Au total, 1 000 milliards de salaires à payer pour l’Etat. Si on y ajoute le service de la dette qui est de 864 milliards, cela fait 1 864 milliards.

Pour ce qui est des recettes, elles sont de 2 177 milliards. Vous voyez ce qui nous reste comme recettes, si l’on paie nos salaires. C’est seulement 313 milliards. Cet argent, c’est pour le fonctionnement, l’investissement… à peine 26 milliards par mois. Il faut donc être raisonnable. On ne peut pas continuer à demander à l’Etat de diminuer les prix, qu’il fasse ceci, qu’il fasse cela. Mais avec quoi ? Le gouvernement doit expliquer ce qu’il peut et ce qu’il ne peut pas faire.

Nous sommes dans un pays faible économiquement et il faut que tout le monde le comprenne. Si on continue dans cette dynamique d’augmenter des salaires, de diminuer des prix, il nous sera difficile d’atteindre nos objectifs en matière de développement, d’emplois des jeunes. Il faut que ça soit clair. Nous n’avons pas les moyens d’augmenter les salaires aujourd’hui. Nous ne le ferons pas.

Parce que si nous le faisons, les conséquences seront immédiates et désastreuses. On risque de dépasser le déficit, de perdre la confiance de nos partenaires. Et si on perd ça, nous risquons ce qui s’était produit il y a des années, c’est-à-dire les plans d’ajustement structurels. C’est une question de responsabilité. Tout ministre qui prendra des engagements non validés en Conseil des ministres en endossera seul la responsabilité.’’
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