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En prive avec Alune Wade artiste :  ‘’C’est assez réducteur de vouloir limiter Habib Faye à la basse’’
Publié le lundi 15 avril 2019  |  Enquête Plus
Alune
© Autre presse par DR
Alune Wade, bassiste, auteur, compositeur, interprète et producteur sénégalais
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Etabli en France, Alune Wade était là, il y a quelques jours. Avec ‘’EnQuête’’, il revient sur les raisons de ce retour, son concept de ‘’musique équitable’’, parle d’’’African fast-food’’, sa rencontre avec Marcus Miller, etc.

Qu’est-ce qui vous ramène sur la terre de vos origines ?

Je suis au Sénégal depuis le 3 avril. Je suis là pour présenter mon nouveau projet (Ndlr : ‘’African fast-food’’, dernier album d’Alune Wade), voir ma famille, le Sénégal. J’ai joué à l’Institut français. J’ai fait deux dates. J’ai d’abord joué à l’Institut français de Dakar, ensuite à celui de Saint-Louis. Franchement, et je dis Macha ‘Allah aussi, cela s’est très bien passé. Le public était magnifique. C’était un public attentif, mais également amoureux de notre musique. Je suis vraiment content du déroulement de tout cela.

Vous avez joué dans des lieux assez élitistes. A quand un concert d’Alune Wade dans des lieux plus open ?

Vous savez, cela ne dépend pas de moi. J’ai été contacté par l’Institut français, même si c’est par le biais de Sénégalais comme Sacou Ndiaye ou encore mon petit frère Meissa. Un jour, peut-être, je serais contacté par une production typiquement sénégalaise. Je serais ravi de venir jouer, alors. Mais je pense que les choses sont plus intéressantes quand on a un public assez métissé. Cela relie les gens. C’est plus cela ma démarche.

Vous explosez sur les scènes internationales, au moment où, au Sénégal, le grand public ne vous connait pas. La situation ne vous attriste pas ?

Exploser à l’étranger, c’est un peu trop dire, je crois. Je ne sais pas si j’explose à l’étranger. Dans mon milieu où je suis, oui, je m’en sors bien. Mon souci, c’est de faire de la bonne musique pour faire de bonnes œuvres. Mon souci, c’est plus d’être reconnu que d’être connu. C’est cela qui doit être le combat d’un artiste, pour moi. Quand on est connu, c’est tant mieux, mais l’on doit se demander qui nous connaît. On peut être connu au Grand Théâtre, au marché Sandaga et ne pas l’être à Tokyo ou à Paris ou aux Usa. C’est assez relatif et complexe, parce qu’il est compliqué d’avoir tout le marché mondial.

Quand on parle d’Alune Wade, on pense instantanément au jazz. Mais vous ne voulez pas être réduit à ce concept. Parlez-nous de votre concept de ‘’musique équitable’’ ?

Le jazz ne se définit pas par un accord. Il n’y a pas une note qui la définit. C’est un concept. Maintenant, on me voit souvent avec une basse, c’est pourquoi on me colle l’étiquette du jazzman. Je fais ma musique et j’ai mon vécu. Je ne peux pas faire la musique d’un Américain ou d’un Japonais ou d’une musique typiquement sénégalaise qui n’existe pas d’ailleurs. On est à l’ère de la mondialisation. On se mélange. Je fais de la musique et j’ai eu à jouer avec des Maliens. J’ai une toute petite partie qui est musique malienne, comme sénégalaise, américaine ou française. C’est mon vécu et je saisis tout cela. C’est une bonne richesse et je ne me limite pas à la musique sénégalaise, jazz ou classique. Je fais de la musique équitable et cela me donne la possibilité de faire tout ce que je veux comme projets. Je peux, un jour, faire de la musique classique, du reggae ou du ‘’taxuraan’’ par exemple. Je ne me fixe pas de limites.

‘’African fast food’’ vous a-t-il servi de laboratoire pour tester cette musique équitable ?

‘’African fast-food’’ est le fruit de mes dix ou quinze dernières années de travail. Cela a commencé après la sortie de mon premier album, en 2003. C’est le fruit de toutes mes rencontres avec des artistes comme Touré Kunda, Joe Zawinul, Oumou Sangaré, etc. ‘’African fast-food’’ vient juste après l’album ‘’Havana-Paris-Dakar’’ que j’avais enregistré à Cuba avec des Cubains. Je fais mes albums suivant des thèmes. J’essaie de donner à chaque album une identité personnelle, tout en gardant tout de même mon cachet personnel qui est mon vécu, cette musique équitable que je revendique.

Quelle est l’identité d’’’African fast-food’’ ?

C’est un album très africain. C’est un mélange. Je suis plus porté, dans cet album, sur l’afrobeat. Il y a une partie dédiée à la musique orientale. Je pense que c’est un album qui s’écoute, très ouvert. On peut l’écouter à Brooklyn, à Paris, au Sénégal. C’est pour cela que, jusqu’ici, on arrive à conquérir différents publics, que cela soit ici, en Asie, en Europe ou en Amérique.

Comment faites-vous pour gérer votre carrière solo et celle de sideman ?

En tant que sideman, je joue de plus en plus qu’avec des gens que j’aime. Des gens avec qui j’ai envie de jouer. J’ai des demandes venant d’un peu partout. Mais maintenant, je joue avec des amis avec qui je fais des collaborations. D’ailleurs, c’est ce qui me permet de pouvoir continuer ma carrière solo que j’ai débutée depuis 15 ans.

En parlant de collaboration, comment est née la vôtre avec la star jazz Marcus Miller ?

On s’est rencontré en Pologne. J’étais dans un festival. Marcus y était également. Il était venu avec Herbie Hancock. J’y étais pour accompagner Oumou Sangaré. Je suis allé dans sa loge. Il est quelqu’un de très accessible. Je lui ai parlé et après il m’a dit qu’il était en train de travailler sur un album qui est plus accentué sur les sonorités africaines. C’est son album ‘’ Afrodeezia’’. Il y avait, à l’époque, l’épidémie Ebola et il ne pouvait pas venir en Afrique. Il m’a dit qu’il allait le faire à Paris. Il m’a demandé si je pouvais travailler avec lui sur cet album, en faisant le casting et contribuer sur les arrangements. Donc, c’est venu naturellement. C’est en studio qu’on a décidé de la direction musicale. Il était venu avec ses idées. J’ai fait le casting des musiciens et les arrangements aussi.

Qu’avez-vous retenu de cette expérience ?

Il y a des artistes comme Marcus Miller, Joe Zawinul, Miles Davis, quand on passe rien que cinq minutes avec eux, on apprend des choses qu’on ne savait pas, même après 20 ans de carrière. J’ai beaucoup appris de lui. Il est très humble et discipliné. J’ai vu son envie d’apprendre et de travailler son instrument tous les jours. J’ai beaucoup appris avec Marcus.

Certains vous voient, Hervé Samb et vous, comme les héritiers d’Habib Faye. Vous acceptez d’assumer son legs ?

Il n’y a pas qu’Hervé et moi. Il y en a d’autres. Habib nous a laissé un vide que nul ne peut combler. Moi, je n’essaie pas de le combler. Je n’essaie pas d’être le second ou le deuxième de qui que ce soit, parce qu’Habib n’a pas de numéro. C’est assez réducteur de vouloir limiter Habib Faye à la basse. Habib Faye n’était pas qu’un bassiste. Il était un artiste. Un brillant musicien. Il était un arrangeur, un producteur et un compositeur. Il était à part. On avait commencé, Hervé et moi, nos carrières. Je suis à mon quatrième album et Hervé aussi, je pense. On mène nos carrières naturellement et normalement. Quand on fait quelque chose avec beaucoup de discipline, on y parvient. On sait qu’être vu comme les héritiers d’Habib Faye est un lourd fardeau et cela fait en même temps plaisir d’apprendre qu’il y a des gens qui nous suivent et nous aiment. Cela n’a pas de prix. C’est à nous d’assurer maintenant et de nous ouvrir, surtout aux autres. Il y a beaucoup de musiciens sénégalais qui sont en train de faire d’excellentes choses, que cela soit en Europe ou aux Usa et même ici.

BIGUE BOB
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