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Moussa Diaw (enseignant-chercheur en Science Po à l’Ugb): ‘’Le Groupe consultatif de Paris est un coup réussi du président Macky Sall’’
Publié le lundi 24 decembre 2018  |  Enquête Plus
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© Présidence par DR
Groupe consultatif de Paris: La première journée de travail réussie
Lundi 17 décembre 2018, Paris - La délégation du Sénégal au Groupe consultatif de Paris, par la voix du président de la République, s`est déclarée satisfaite de la première journée de travail au siège de la BM. Le Sénégal a réussi à lever plus de 7 000 milliards auprès des bailleurs.
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Partis au Groupe consultatif de Paris avec un objectif de 2 850 milliards, le président de la République Macky Sall et son gouvernement ont pu lever 7 356 milliards, soit plus du triple des prévisions. Cette levée de fonds, selon l’analyste politique Moussa Diaw, est un argument de taille pour le président de la République et son régime, dans la course à la présidentielle du 24 février 2019.

A deux mois de la prochaine élection présidentielle de 2019, le président Macky Sall, candidat à sa propre succession, a réussi à décrocher 7 356 milliards de francs Cfa d’engagements de financement pour la deuxième phase du Pse au Groupe consultatif de Paris. Quelle appréciation faites-vous de cela ?

Je dirais que c’est un coup réussi du président de la République, pour avoir mobilisé tous ses arguments pour pouvoir convaincre les investisseurs qui se sont intéressés au Sénégal de par sa stabilité, mais aussi de par les résultats qu’il a présentés aux différents bailleurs de fonds. Il a su donc les convaincre et, pour lui, c’est une victoire. C’est la raison pour laquelle il a d’ailleurs fait le déplacement pour assister personnellement aux réunions. Sa présence a été déterminante pour pousser les différents financiers à s’engager dans la deuxième phase du Plan Sénégal émergent (Pse). A ce niveau, les arguments qui ont été présentés aux bailleurs de fonds, les différents outils médiatiques mis à sa disposition et qu’il a dû exploiter, ont permis de séduire ceux-ci pour le financement de la deuxième phase du Pse. On peut dire, quelque part, que c’est une réussite, d’autant qu’on est dans une perspective d’élection présidentielle.

Est-ce à dire que le président Sall est sûr de sa réélection, quand il se projette sur la deuxième phase du Pse ?

On ne doit même pas en douter parce que les investisseurs calculent les incertitudes. Là, ils sont rassurés par le discours du président de la République. Ils sont également rassurés par le bilan qui a été présenté. Mais aussi par les garanties qu’il a dû leur avancer pour pouvoir les séduire et les amener à s’engager avec lui dans cette voie.

Selon vous, le chef de l’Etat est donc rassuré de sa réélection ?

Il ne peut pas être rassuré, puisque dans toute élection, il y a des incertitudes. Mais compte tenu du contexte politique au Sénégal, du rapport des forces et aussi de la situation du pays, on peut dire que le président de la République les a convaincus. Maintenant, il y a beaucoup d’incertitudes pour les élections, mais on peut, au regard des résultats obtenus pendant sa gouvernance, nourrir beaucoup d’espoirs.

Est-ce que le président de la République a choisi le bon moment pour aller au Groupe consultatif de Paris ? Pourquoi n’a-t-il pas attendu d’être réélu ?

Je pense qu’il a choisi le bon moment. Il aurait pu attendre les élections. Mais pour lui, ça compte sur la balance pour mobiliser les citoyens sénégalais, pour leur dire qu’au niveau international, le Sénégal a su convaincre les financiers. D’ailleurs, pour séduire les bailleurs de fonds, il leur a dit que le marché est ouvert et qu’ils sont invités, au même titre que les entreprises privées nationales qu’internationales, à investir dans différents secteurs du pays. Cela veut dire tout simplement qu’il y a des garanties et qu’il a dû rassurer les bailleurs de fonds. Parce que les engagements obtenus sont au-delà des prévisions. Cela montre que le président de la République s’inscrit dans une logique de continuité.

Justement, en s’inscrivant dans une logique de continuité, Macky Sall ne donne-t-il pas l’impression d’avoir déjà remporté l’élection de 2019 ?

On peut penser cela. On peut dire qu’à deux ou trois mois des élections, s’il entame ces négociations, c’est parce qu’il est rassuré de par bien sûr ses connaissances approfondies en politique, notamment de l’état de l’opinion. Si cela ne lui était pas favorable, il n’aurait pas engagé maintenant le Sénégal. Mais il y a aussi un enjeu important pour la prochaine élection présidentielle, c’est que le président sortant a su mobiliser beaucoup d’argent qui lui permettrait de montrer qu’au niveau international, il compte et qu’il sait comment négocier avec les instances financières internationales. Il a la confiance de ces instances et qu’il le mettra sur la balance pour mobiliser, pendant les élections, les citoyens sénégalais, les convaincre à voter pour lui afin de continuer les différents projets qu’il a entamés et surtout la seconde phase du Pse qui correspondrait à des projets prioritaires comme il le dit et qui visent à satisfaire les demandes sociales.

Pensez-vous, dans ce cas, que l’élection présidentielle de 2019 soit gagnée d’avance par le président Sall ?

Aucune élection n’est gagnée d’avance. Mais le président est bien placé pour avoir un état de l’opinion. Même si, au Sénégal, on interdit les sondages, ce qui n’est pas normal parce qu’on dit souvent que nous sommes une démocratie majeure. Mais dans une démocratie majeure, il y a quand même les sondages qui constituent un baromètre pour mesurer l’état de l’opinion et aussi pour impliquer les populations dans la gouvernance. L’opinion publique est importante dans la gouvernance politique du pays et c’est un déficit de la démocratie sénégalaise qu’il n’y ait pas de sondage. Mais le président de la République est bien placé pour avoir des informations précises sur l’état de l’opinion. Aussi, cette négociation internationale, cette capacité à mobiliser, pour lui, c’est un atout important qu’il va utiliser pour faire campagne, pour dire voilà les résultats de la première phase, j’ai pu convaincre les financiers, donc je m’impose sur le plan interne et externe. Ce sont là des atouts importants qu’il va utiliser contre ses adversaires, pour mobiliser les citoyens et leur dire : voilà, maintenant c’est la deuxième phase, je répondrai mieux aux sollicitations, aux aspirations et aux besoins prioritaires des Sénégalais.

Globalement, quelles peuvent être les retombées politiques de toute cette manne financière levée ?

Les retombées politiques sont considérables. Compte tenu d’abord de cette base, il pourrait mettre cet argent au service des politiques publiques, notamment les aspects qui n’ont pas été pris en compte dans la première phase du Pse et que la deuxième serait une phase de renforcement et d’actions prioritaires. Ce qui traduit une politique qui va vers les problèmes des populations, vers la satisfaction d’un certain nombre de besoins prioritaires pour améliorer les conditions de vie, renforcer les pouvoirs d’achat et la sécurité alimentaire, sociale, sanitaire, etc. Ce sont donc des résultats quand même probants qu’il va utiliser politiquement pour pouvoir remporter les élections de manière confortable. C’est ça qu’il attend de cet engagement qu’il a lui-même mené et il sait que les retombées politiques seront considérables pour lui, pour pouvoir bien préparer les élections futures.

Le pays est confronté à une tension financière. Est-ce que cela ne peut pas être perçu au sein de l’opinion comme une lueur d’espoir ?

Tout à fait. Comme il y a une tension, maintenant il y a des engagements financiers. Cela permettrait d’alléger sûrement cette tension, de calmer la situation et de s’engager vers des ambitions beaucoup plus importantes pour l’avenir du pays. Cela d’autant plus qu’il va y avoir l’exploitation du pétrole et du gaz. Ce sont des ressources qui seront mises à contribution pour renflouer les caisses de l’Etat, pour faire en sorte que les projets majeurs puissent être développés et qu’ils correspondent au mieux aux attentes des Sénégalais. Je pense que c’est l’action qui va être menée aussi bien sur le plan économique que sur le plan social.

Justement, est-ce que les récentes découvertes de pétrole et de gaz n’ont pas favorisé tous ces engagements de financement au Groupe consultatif de Paris ?

Oui, les investisseurs sont aussi intéressés par ces ressources. Ce sont des secteurs d’avenir clés qui ont attiré, me semble-t-il, une bonne partie des investisseurs qui ont envie de s’impliquer dans l’exploitation du pétrole et du gaz. C’est un atout prometteur pour le pays en termes de ressources importantes pour le développement économique et social. C’est tout un ensemble au profit des acteurs politiques qui visent justement à rationaliser la gestion du pays. Cela pourrait contribuer au développement économique et social du pays.

Mais est-ce que cette levée de fonds ne participe pas à endetter d’avantage le pays ?

C’est l’autre aspect de ce problème. C’est vrai qu’il y a une tendance d’accroître l’endettement pour le pays. Mais si ces projets réussissent, cela permettra d’améliorer les finances. Avec l’exploitation du pétrole et du gaz, ça permet de compenser ce déficit. Mais je pense que c’est mesuré et calculé. Ça pourrait correspondre à un équilibre aussi bien dans la gestion de la dette que dans l’engagement des projets de développement économique et social.
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