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Un livre "souffrant et lumineux" pour raconter la vie de l’imitateur Sanokho
Publié le lundi 14 avril 2014   |  Agence de Presse Sénégalaise




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L’universitaire sénégalais Omar Guèye vient de consacrer un livre à Sanokho, un "souffrant et lumineux ouvrage" qui rend quelque part justice à ce visionnaire-précurseur de l’art de l’imitation au Sénégal, dont le génie n’a pu bénéficier de la pleine reconnaissance à laquelle son talent le prédestinait, en raison de préjugés et stéréotypes véhiculés par une société sénégalaise bien-pensante.

Intitulé ‘’Sanokho ou le métier du rire’’, cet ouvrage descriptif et analytique est publié aux éditions L’Harmattan. Il peut valablement nourrir l’ambition de réconcilier les Sénégalais avec un artiste intemporel mais incompris de son vivant, qui a ‘’payé de sa personne tous les stéréotypes et préjugés, négatifs, stigmatisant les artistes et la personne controversée qu’il a été ou qu’il a, peut-être, voulu être.’’.

Sanokho ou Mamadou Sanokho de son vrai nom est né le 8 avril 1955 à Dakar au quartier populaire de la Médina. Décédé le 21 avril 1994 à l’hôpital Principal de Dakar, à la suite d’un accident de la circulation intervenu le 15 avril 1994, il est enterré au cimetière de Pikine.

Selon certains témoignages, il aurait commencé ses prestations en prison avant d’être révélé, vers 1981, par l’émission Télé variétés de l'ex-ORTS. Même condamné plusieurs fois à des peines de prison, Sanokho ne peut être considéré comme un criminel, mais plutôt ‘’un bandit sympathique’’, selon l’auteur.

‘’Il portait en lui les stigmates de la prison, mais aussi les préjugés et les tares qui accompagnent les repris de justice et qui l’ont peut-être empêché de jouir de la notoriété comme il se devait. Mais il a quand même connu la célébrité de son vivant, et ses imitateurs le maintiennent en vie’’, relève l’universitaire.

De son point de vue, ‘’(…) le vocabulaire dépouillé qui accompagnait (son traitement) des sujets encore tabous dans sa société, comme le sexe et la prostitution, contribuait à le confiner hors du champ du +socialement+ ou du +politiquement correct+’’.

‘’Il s’agit presque d’une tragédie humaine quand on compare la pureté du génie de l’artiste à qui cet ouvrage est consacré, à cette vie de misère où l’a conduit fatalement son métier, sans compter cette mort effroyable, ce sort funeste sous les roues d’un +Car Rapide+’’, estime le poète Amadou Lamine Sall, dans la préface de ce livre de 150 pages ‘’(…) douloureux, révoltant, injuste, émouvant et beau’’.

‘’J’au lu ce livre comme une blessure. L’hommage peut être une blessure’’, confesse-t-il. ‘’Il nous filme et nous restitue un homme, un artiste à l’intelligence brillante, au talent si étonnant qu’il devient un miracle’’, note ensuite Amadou Lamine Sall, en parlant de l’auteur Omar Guèye, enseignant au département d’histoire de la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.

‘’Pour ceux que l’âge a permis de connaître l’artiste Sanokho ou d’avoir vécu à l’époque ou officiait ce génie pur sucre, il n’est pas plus douloureux et plus injuste que la vie de ce troubadour hors norme, à qui Dieu avait donné un don rare, lui ôtant toutefois toute bourse monétaire’’, souligne le préfacier.

‘’Ce qui distingue Sanokho des autres, de tous les autres, ajoute Amadou Lamine Sall, c’est qu’il avait du métier alors que les autres ont du travail à remettre chaque jour sur le grill. Sanokho, c’était de la pure confiture (…)’’.

‘’Amuseur public, délinquant sympathique, moraliste, messager caché ou artiste incompris, Sanokho, de son nom d’artiste, ou Nokho comme il aimait s’appeler, a (…) été le miroir de son temps, un témoin de son époque, un riche en thèmes, un régulateur social sans en avoir l’air, ni en donner l’air, un précurseur d’une forme d’art au Sénégal – l’imitation – et surtout un visionnaire’’, soutient pour sa part l’auteur Omar Guèye, titulaire d’un MBA en gestion du patrimoine culturel de l’Université internationale francophone Léopold Sédar Senghor d’Alexandrie.

‘’En effet, bien plus tard, à la fin des années 1990 et surtout au début des années 2000 jusqu’à nos jours, les pouvoirs publics sont confrontés aux problèmes que Sanokho posait en faisant rire, dans toute leur plénitude, signale M. Guèye. C’est le cas, notamment, de la question de l’encombrement urbain de la capitale, le débat sur l’exode rural, le chômage des jeunes, le développement du monde rural, l’inadéquation des infrastructures à l’évolution urbaine, les ordures, la mendicité, la prostitution et la petite délinquance, entre autres’’.

‘’Comme dans un cinéma, il avait créé ses +acteurs+ qui avaient tous une certaine originalité, tant au plan culturel que celui du caractère : Samba Yoro Poulo, Ngor Diégane Ndour, Amadou Oury Diallo et autre Yigo Sankharé’’, analyse Omar Guèye, affirmant que ‘’les scientifiques (sociologues, psychiatres, anthropologues, historiens ou géographes) peuvent l’étudier avec des regards croisés ou décortiquer la matière qu’il met à leur disposition’’, surtout s’il est fait abstraction de ses moments de dérapages qui le rendent vulgaire et indigeste pour beaucoup de gens.

‘’Mamadou Sanokho ou Nokho, comme il s’appelait, était un imitateur de personnages qu’il se créait lui-même, qui avaient la particularité de parler la langue wolof avec l'accent de leurs ethnies respectives, explique M. Guèye. Il les mettait en scène dans des scénarii originaux qu’il avait conçus, qui retraçaient des histoires de la vie quotidienne du Sénégalais et du +nandité+ (urbain branché qui sait tirer parti de toutes les situations) dakarois en particulier’’.

‘’Son œuvre est un miroir où se reflètent les réalités sociales et psychologiques vues à travers le regard de son auteur. Ce dernier incarnait une certaine marginalité, propre aux artistes et aux génies, pour se projeter dans la description et la satire sociales grâce à l’autodérision déléguée à ses personnages’’, analyse-t-il encore.

Suivant cette perspective, Sanokho ‘’décrit la capitale, Dakar, plutôt comme un milieu de débrouille, de confrontation de toutes sortes, voire un milieu de perdition pour des jeunes sans repères’’. ‘’Aujourd’hui, à l’heure de l’encombrement humain, des inflations de toutes sortes et du retour à l’agriculture (REVA, GOANA), pour faire face à des situations de pénurie et de famine, son diagnostic d’alors revêt une grande pertinence et alimente par anticipation tous les débats en cours sur les stratégies de politique alimentaire, voire de développement’’.

C’est que Sanokho ‘’nous démontre combien la création est au cœur de la politique et combien nos artistes ont formulé, mieux que les politiciens et hommes d’Etat prédateurs, les exigences sociales et les conditions économiques pour l’existence et l’épanouissement d’un peuple’’, commente Amadou Lamine Sall.

‘’Ce n’est pas là du folklore. C’est plutôt la dimension politique de la culture qui sait mieux que toute autre, engager le destin collectif d’un pays, d’une nation. Nos artistes ne demandent pas à être aimés. Ils demandent à être respectés’’, poursuit-il.

Sanokho évoque le thème tabou du mépris culturel, considéré comme le lit de nombreux préjugés négatifs sur certaines communautés, ce qui est pour lui une source de danger pour la cohésion nationale. Il suggère aussi qu’une place de choix soit accordée à l’école et à l’éducation des enfants, dénonce l’importance accordée à l’argent, source du mal et à l’origine selon l’artiste des fléaux dont souffre la société. L’appel constant à l’unité nationale (lépp sunu biir), un leitmotiv chez Sanokho, complète la liste des différentes thématiques évoquées par l’artiste.

‘’Mamadou Sakho n’a pas inventé le rire, mais il fait partie de ceux qui lui ont le plus rendu ses lettres de noblesse, particulièrement en élevant le métier de l’imitation en véritable profession. Il n’en demandait pas tant d’ailleurs’’, souligne Omar Guèye.

‘’Le succès et la renommée de tous ses héritiers constituent le meilleur hommage qui lui soit rendu et une reconnaissance à laquelle tous les précurseurs comme lui, souvent incompris, pouvaient prétendre’’, fait-il valoir, en insistant sur le fait que Sanokho fut le précurseur de ces jeux de parodie verbale (spectacles du rire).

Il cite parmi les héritiers de Sanokho des artistes comme Samba Sine alias Kouthia, Ndiogou Mbengue alias Sa Ndiogou, Gallo Thiello, Ibrahima Mbodj alias Lamarana, Cheikhou Guèye alias Sanekh, Mor Talla Sow alias Per Bou Khar, Amadou Fall alias Docteur et la bande du Xaxatay Show ou Comédie Show.

‘’Sanokho restera une référence. Il le restera surtout quand on aura achevé de (découvrir) combien nos artistes d’aujourd’hui sur les scènes de théâtre, les plateaux de radios, de télévisions, ont tous presque emprunté à l’inégalable Sanokho. Certains le confessent, ce qui les grandit. D’autres, suspects, le taisent’’, indique de son côté Amadou Lamine Sall.

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