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Lutte contre la drogue: La sévérité de la répression en question
Publié le samedi 13 octobre 2018  |  Enquête Plus
Saisie
© AFP par dr
Saisie de cocaïne et de drogue
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La répression des usagers de drogue était hier au cœur des débats, au cours d’un atelier de formation des journalistes quant au traitement de l’information sur la réduction des risques chez les consommateurs de drogues injectables, organisé par l’Alliance nationale des communautés pour la santé (Ancs). Pour le juge Abdoulaye Bâ, Directeur des Grâces, la poursuite est systématique, mais la répression ne l’est pas.



Réduction des risques chez les consommateurs de drogues injectables. C’est ce que veut l’Alliance nationale des communautés pour la santé (Ancs), à travers son projet Pareco qui concerne cinq pays de la sous-région. Sur ce, des journalistes ont été formés depuis trois jours sur le traitement de l’information concernant cette cible. Cette stratégie bute sur les lois très répressives du pays sur l’utilisation de la drogue. Car, selon la directrice exécutive de ladite alliance, Maghate Mbodj, la répression tous azimuts des consommateurs de drogue a atteint ses limites et pose plus de problèmes qu’elle n’apporte de solutions.

Mais selon le représentant du ministère de la Justice, par ailleurs directeur des Grâces, le juge Abdoulaye Bâ, on a toujours fait la confusion et reproché aux Etats de la sous-région sur l’option d’une répression systématique. Alors que tel n’est pas le cas. D’après lui, la poursuite est systématique et toute personne qui consomme ou qui détient de la drogue doit être poursuivie. Parce que c’est un délit. C’est comme le vol. Mais la poursuite n’aboutit pas à la sanction pénale. Parce que, dit-il, la répression, c’est la sanction. C’est-à-dire le fait de condamner la personne à une peine, soit à une amende, soit de prison.

‘’La poursuite est amorcée par le procureur. Son rôle est de poursuivre et de mettre cette personne à la disposition de l’autorité judiciaire chargée de la juger. Donc, tant qu’il y aura la pénalisation, il y aura la poursuite pénale. Mais elle n’aboutit pas systématiquement à la répression des faits’’, a-t-il précisé. Selon le juge, avec les toxicomanes, il est prévu la possibilité, pour eux, de choisir la cure de désintoxication. Dans le Code des drogues, c’est à la phase du jugement. C’est-à-dire, en cas de condamnation d’un toxicomane, le tribunal peut, en complément ou en substitution de la peine, enjoindre la personne déjà condamnée à une cure de désintoxication. ‘’Il vous demande si vous êtes d’accord d’aller faire la cure, on suspend la peine ou on vous dispense de la peine’’.

Dispense de peine

Il y a des cas où, également, pour la consommation personnelle, la loi permet la possibilité, lorsque la personne est mineure et n’est pas en état de récidive, d’être dispensée de la peine. ‘’Il y a cette disposition très importante qui permet au tribunal, lorsque c’est pour une consommation personnelle et que la personne n’est pas en état de récidive. En faisant une déclaration solennelle à l’audience de ne plus consommer de la drogue, le tribunal peut dispenser la personne de la peine. Même si la poursuite est systématique chez nous, la répression en tant que telle ne l’est pas ou du moins la détention carcérale n’est pas toujours le cas’’, a précisé le juge.

Pour lui, le rôle de la justice, c’est d’essayer de dissuader et de sanctionner des gens qui ont besoin, à un moment donné, d’être écartés de la société pour peut-être, au bout d’un certain temps, aller vers un reclassement social.

Pour sa part, Maghate Mbodj a soutenu qu’ils doivent, en tant qu’acteurs, au niveau de la santé et de la législation, se mettre ensemble pour bâtir une réponse qui va aider à respecter les dispositions des lois qui intègrent ces possibilités. ‘’Nous allons y arriver très vite, parce qu’avec le Cird, où nous siégeons tous autour d’une table, ces préoccupations sont en train d’être discutées. Nous réfléchissions sur la façon de les intégrer de manière à ne pas du tout favoriser la consommation tous azimuts de la drogue’’, a-t-elle plaidé.

PRISE EN CHARGE DES USAGERS DE DROGUE DANS LES PRISONS

Plus de 10 milliards investis, ces 5 dernières années

La directrice de l’Ancs est d’avis que la réduction des risques trouve sa légitimité dans la valorisation de la dignité humaine. Elle en a l’intime conviction, d’autant que, dit-elle, l’engorgement des prisons, ces 5 dernières années, en est la preuve. Car, dit-elle, ils ont dépensé plus de 10 milliards pour leur prise en charge. Selon Maghate Mbodj, en 2013, il y avait dans les prisons presque 26 189 détenus. Les 21 % étaient incarcérés sur la base de la consommation de la drogue.

‘’Quand vous considérez, sur le plan prise en charge sanitaire et médical, en ce moment, un détenu nous coûtait 600 F par jour. Nous avons investi dans l’année 1 213 917 000 F’’, explique-t-elle. En 2014, le nombre de détenus était de 27 439. Les 25 % étaient incriminés des suites de la drogue avec un budget de 1 634 539 530 F. En 2015, 25 % des détenus étaient incarcérés pour des préoccupations de la drogue, pour 2 685 305 000 F de prise en charge. ‘’A partir de cette même année, on a vu dans ces prisons l’incarcération des mineurs aussi bien des filles que des garçons’’, a souligné Mme Mbodj.

En 2016, dit-elle, le taux est presque le même, avec 29,7 % des détenus pour un montant de plus de 3 milliards. En 2017, la population carcérale était un peu réduite, mais toujours l’incarcération sur des questions de drogue venait en deuxième position, suivie des vols et recels. ‘’Je suis sûr que ceux qui ont été incarcérés sur des questions de vol et recel, y en a qui l’ont fait sous l’emprise de la drogue. Ces éléments nous poussent à intégrer la réduction des risques, parce que nous pensons que cela pourrait avoir des effets sur l’incarcération de ces jeunes’’, a-t-elle plaidé.

A son avis, l’argent investi dans ces prisons où les détenus n’ont rien appris, pouvait être utilisé pour leur réinsertion socio-économique. Parce que, dit-elle, si on avait pris le temps d’encadrer ces jeunes, ils ne seraient pas tombés dans la drogue. ‘’On a besoin de la stratégie de réduction des risques pour soigner des personnes et pouvoir utiliser l’expérience de ces dernières dans le développement de ce pays’’.

VIVIANE DIATTA
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