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A la poursuite des « cas manquants » de tuberculose dans les villages sénégalais
Publié le samedi 29 septembre 2018  |  LeMonde.fr
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© Autre presse par DR
Le nombre de cas de tuberculose dans le monde est supérieur aux estimations précédentes - OMS
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Tuberculose, jusqu’à quand ?. Pour venir à bout de la maladie à l’horizon 2030, le pays a mis en place un maillage communautaire qui permet d’aller chercher les malades jusque dans leur maison.

Il a les yeux rougis et le pas traînant lorsqu’il sort de son gourbi de brique et de tôle en ce matin de septembre. Elimane Ciss, 50 ans, est un revenant. Un « cas perdu de vue » comme on appelle en jargon humanitaire ces malades qui, un jour, ne sont plus venus chercher leur traitement au poste de santé, restant introuvables au village. Voilà plus d’un mois qu’il n’a pas pris les trois pilules quotidiennes qui doivent le guérir de ses douleurs de dos et de ses quintes de toux causées par la tuberculose. Dépisté en octobre 2017, il a abandonné une première fois le traitement, l’a repris en mai, puis abandonné encore en juillet. La raison est semblable à l’origine de sa maladie : la pauvreté.

« Il n’y a plus de travail pour un paysan ici, explique-t-il. Alors j’ai quitté le village pour faire camionneur à Dakar, mettre un peu d’argent de côté. » Dans les campagnes déshéritées du Sénégal, ils sont des milliers de candidats à l’exode rural. Mais quand ces travailleurs saisonniers sont atteints d’une maladie contagieuse comme la tuberculose, le risque de propagation du bacille est décuplé, créant ce que redoutent plus que tout les spécialistes de la maladie, l’apparition de « cas manquants ».

Fins limiers

Si le Sénégal est sorti de la zone rouge et ne fait plus partie des 26 pays africains à forte charge selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il n’est pas encore parvenu à éradiquer la tuberculose. « Le grand problème au Sénégal est que nous avons une incidence de 140 nouveaux cas pour 100 000 habitants. Cela veut dire qu’en 2017 nous n’avons pas réussi à capter ni à traiter 7 971 tuberculeux, dont 5 492 de forme contagieuse, explique la docteure Marie Sarr, responsable du programme tuberculose au ministère de la santé. Tant qu’on n’arrivera pas à retrouver ces cas attendus, on n’arrivera pas à éliminer complètement cette maladie. »

Le pays est aujourd’hui capable de guérir neuf cas de tuberculose sur dix. Pourtant, le nombre annuel de nouveaux cas estimé par l’OMS n’a presque pas bougé en vingt ans. « Cela ne veut pas dire qu’on est inefficace contre cette maladie, décrypte le docteur Dioukhané, chef des projets du Fonds mondial de lutte contre la tuberculose et le paludisme à Plan international Sénégal, l’ONG mandatée par le ministère de la santé pour les interventions communautaires. La population a presque doublé durant ce laps de temps. Nous avons pu contenir les nouvelles transmissions, mais pas les arrêter. »

Il a donc fallu innover. En 2012, après une période test, l’Etat sénégalais a décidé d’ouvrir une campagne auparavant circonscrite au système de santé en faisant participer la population à la lutte. Un maillage territorial a été établi par la création de 429 organisations communautaires regroupant chacune en moyenne une douzaine de relais. Il s’agit de bénévoles, bien intégrés dans leur communauté, qui agissent sur le terrain comme de fins limiers à la recherche de ces fameux « cas manquants » des statistiques de l’OMS. Ils font du porte-à-porte, organisent des causeries éducatives et retrouvent les malades irréguliers et perdus de vue.

Aujourd’hui, en localisant Elimane Ciss, les deux personnes relais du village de Fouloume (Tivaouane), Marcelle Thiombane et Awa Seck, ont fait coup double. Non seulement elles ont mis la main sur un patient égaré mais elles ont, par la même occasion, découvert plusieurs cas suspects qui pourraient, après diagnostic, se révéler être des cas manquants. Car la tuberculose est une maladie de la promiscuité et, depuis le retour d’Elimane, sa mère et ses nièces toussent régulièrement. Elimane a donc accepté de reprendre le traitement en avalant à l’aide d’une boîte de conserve remplie d’eau les tablettes de rifampicine, d’isoniazide, de pyrazinamide et de chlorhydrate d’ethambutol. S’il respecte la posologie, dans six mois il sera guéri.

« Beaucoup ne réalisent pas le danger »
Mais le travail d’Awa et de Marcelle n’est pas toujours aisé. La recherche des cas manquants est un véritable travail de détective exigeant patience, témérité et pédagogie. « Nous parcourons le village deux fois par semaine, explique Marcelle, qui en est à sa dixième année de bénévolat. Nous procédons par quartier en faisant du porte-à-porte et de la sensibilisation. Nous habitons ici, donc les gens nous reçoivent plus volontiers. » Parfois, certains refusent le traitement, préférant s’en remettre aux guérisseurs traditionnels, à l’exemple de Momodou Ciss, 48 ans. Visage émacié coiffé d’un bonnet, huit mois de maladie. Peut-être parce que les remèdes traditionnels n’ont pas amélioré son état, peut-être parce qu’aujourd’hui Marcelle et Awa sont accompagnées d’une délégation, il a troqué sa défiance pour une moue contrite.

Sait-il que la tuberculose tue ? Non, dit-il, secouant doucement la tête. « Malgré nos efforts de prévention, beaucoup ne réalisent pas le véritable danger qu’ils courent, raconte Marcelle. A Fouloume, nous ne sommes que deux relais pour 5 000 habitants. Ici, beaucoup sont déjà morts pour avoir refusé le traitement. » Son état se dégradant, Momodou promet qu’il se rendra dès le lendemain au poste de santé le plus proche, à 9 km de là, recevoir le traitement gratuit fourni par l’Etat sénégalais. Il ne pourrait pas se le payer de toute façon. Il n’a même pas les moyens de prendre les transports et devra faire le trajet à pied sous un soleil brûlant.

Des cas de pauvreté extrême, Momodou Aliou Diallo, l’infirmier-chef de poste de la commune de Mont-Rolland, à laquelle Fouloume est rattaché, en connaît beaucoup. « C’est même le cas de la majorité de mes patients, dit-il. Parfois je leur paie le trajet ou j’amène moi-même sur ma moto les échantillons au laboratoire. » Dans sa commune, il a en moyenne trois nouveaux cas par mois, ce qui en fait une zone particulièrement concernée par la seukheutt sou tarr si, « la toux persistante » en wolof. « A cause de la pauvreté et des terres de moins en moins fertiles, beaucoup de villageois partent travailler à Dakar, explique-t-il. Là-bas, ils s’entassent dans des chambres insalubres à dix ou vingt. Ce sont des foyers propices au développement de la tuberculose. Puis ils reviennent au village et contaminent leur famille. »

Guérisseurs et pharmaciens

C’est ce qui est arrivé à Oumar Tall, 26 ans. Plâtrier, il a passé quelques mois dans une chambre avec des collègues. Un de leurs amis venait régulièrement chez eux et il toussait. « Quand je suis revenu au village, j’avais des maux de tête et de dos. J’ai rapidement compris que c’était la tuberculose car des relais m’avaient expliqué les symptômes au village. » Après six mois de traitement, guéri, il a désormais envie de devenir lui-même un relais. « Je sensibilise déjà mes proches, alors pourquoi pas le reste du village ? », lance-t-il.

Sait-il que la tuberculose tue ? Non, dit-il, secouant doucement la tête. « Malgré nos efforts de prévention, beaucoup ne réalisent pas le véritable danger qu’ils courent, raconte Marcelle. A Fouloume, nous ne sommes que deux relais pour 5 000 habitants. Ici, beaucoup sont déjà morts pour avoir refusé le traitement. » Son état se dégradant, Momodou promet qu’il se rendra dès le lendemain au poste de santé le plus proche, à 9 km de là, recevoir le traitement gratuit fourni par l’Etat sénégalais. Il ne pourrait pas se le payer de toute façon. Il n’a même pas les moyens de prendre les transports et devra faire le trajet à pied sous un soleil brûlant.

Des cas de pauvreté extrême, Momodou Aliou Diallo, l’infirmier-chef de poste de la commune de Mont-Rolland, à laquelle Fouloume est rattaché, en connaît beaucoup. « C’est même le cas de la majorité de mes patients, dit-il. Parfois je leur paie le trajet ou j’amène moi-même sur ma moto les échantillons au laboratoire. » Dans sa commune, il a en moyenne trois nouveaux cas par mois, ce qui en fait une zone particulièrement concernée par la seukheutt sou tarr si, « la toux persistante » en wolof. « A cause de la pauvreté et des terres de moins en moins fertiles, beaucoup de villageois partent travailler à Dakar, explique-t-il. Là-bas, ils s’entassent dans des chambres insalubres à dix ou vingt. Ce sont des foyers propices au développement de la tuberculose. Puis ils reviennent au village et contaminent leur famille. »

Guérisseurs et pharmaciens

C’est ce qui est arrivé à Oumar Tall, 26 ans. Plâtrier, il a passé quelques mois dans une chambre avec des collègues. Un de leurs amis venait régulièrement chez eux et il toussait. « Quand je suis revenu au village, j’avais des maux de tête et de dos. J’ai rapidement compris que c’était la tuberculose car des relais m’avaient expliqué les symptômes au village. » Après six mois de traitement, guéri, il a désormais envie de devenir lui-même un relais. « Je sensibilise déjà mes proches, alors pourquoi pas le reste du village ? », lance-t-il.
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