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Réduction des risques: Pour la décriminalisation de l’usage de la drogue
Publié le vendredi 14 septembre 2018  |  Enquête Plus
Cérémonie
© aDakar.com par DF
Cérémonie publique d`incinération de drogue
Dakar, le 07 Novembre 2014- Le ministre de l`Intérieur et de la Sécurité publique a participé à une cérémonie publique d`incinération de drogue, en présence du directeur de l`Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS), Mame Seydou Ndour.
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La réduction des risques (Rdr) est une approche qui se concentre sur les conséquences sanitaires et socio-économiques chez les consommateurs de drogue. Accusée de faire la promotion de l’usage, la méthode est ici défendue par le Docteur Hubert Traoré.



En matière de consommation de drogue, mieux vaut prévenir. Car, une fois que l’individu a goûté au ‘’fruit interdit’’, il lui est difficile de s’abstenir. Les premiers centres de soins spécialisés ont vu le jour dans les années 1970, en marge du système de santé. C’est l’épidémie galopante du Vih/sida, dans les années 1980, qui impose la réduction des risques (Rdr) comme l’approche la plus évidente et plus efficace pour lutter contre les dommages causés par l’usage de stupéfiants.

Selon le médecin en santé publique au Burkina Faso, Docteur Hubert Traoré, il n’y a pas de stratégie de prévention ou de traitement qui fonctionne sur tous les usagers. Il estime que l’important, c’est de proposer des options et de faciliter l’accès à un large panel d’interventions qui répondent aux besoins des usagers et les aident à rester en vie. ‘’Les individus et les communautés affectés ont besoin d’être impliqués dans l’élaboration et la mise en œuvre des stratégies de réduction des risques. Il ne s’agit pas de n’importe quels risques, mais ceux liés aux effets des produits consommés, au mode de consommation et les risques sociaux. Nous luttons pour que la loi soit plus flexible avec les consommateurs, pas pour les dealers’’, explique le Dr Traoré.

S’agissant des risques liés aux effets des produits utilisés, il y a les overdoses avec de multiples symptômes en fonction de la drogue consommée. S’agissant des conséquences, ils peuvent aller jusqu’au décès, en passant par la baisse de la vigilance pouvant conduire à des prises de risques sexuels susceptibles de découler sur les Ist/Vih/Vhb/Vhc (plus fréquent avec la cocaïne et ses dérivés), la dénutrition par manque d’appétit et le mauvais état bucco-dentaire. Il y a également la rétention urinaire, les troubles de la libido, la perturbation de cycles menstruels (héroïne), les complications cardiovasculaires, pulmonaires, neurologiques, rénales et oculaires (cocaïne) et les troubles psychologiques : altération du sommeil, troubles de l’humeur, troubles bipolaires, troubles psychotiques. Pour ce qui est des risques liés au mode de consommation, ils sont relatifs aux problèmes dermatologiques et cardiovasculaires. Il y a aussi les infections (bactériennes, virales, etc.) à transmission sanguine ou cutanée Vih, Vhb, Vhc, Tb, etc., du fait du partage du matériel de consommation. Les problèmes pulmonaires sont également notés avec des coupures, des brûlures, des ulcères, des plaies au niveau Orl et digestif.

Approche controversée

Concernant les risques sociaux, on peut citer les comportements antisociaux, les risques d’exclusion (familiale, amicale, professionnelle, sanitaire), l’itinérance et la stigmatisation, les risques judiciaires (incarcérations) et ceux liés au trafic et au deal (violences, répression policière, etc.) et à la pauvreté. A en croire le docteur Hubert Traoré, de prime abord, les gens sont sceptiques sur l’efficacité d’une approche comme la réduction des risques.

C’est pourquoi de nombreuses barrières persistent pour sa mise en œuvre. ‘’Beaucoup de gens soutiennent que la Rdr incite les usagers de drogues à en consommer, que son coût peut être utilisé pour réduire la consommation ou lutter contre les drogues ou soigner des personnes qui le méritent plus’’. D’après le médecin, il y a d’autres qui disent que c’est une approche qui ne facilite pas l’abstinence et met en danger la sécurité publique. Ainsi, certains individus ne manquent pas de les inviter à s’adresser à des personnes responsables et non à des usagers de drogue. Il y a aussi l’aspect juridique qui est reproché à la Rdr. ‘’Ceux qui disent que ce que nous faisons est une légitimation de l’usage de la drogue en contradiction avec les lois n’ont pas compris la valeur et l’importance de cette lutte que nous menons’’, se défend-il.

Historiquement, affirme-t-il, les programmes qui se focalisent sur la réduction ou l’arrêt de la consommation n’ont pas montré des résultats constants et satisfaisants. L’approche de la réduction des risques, par contre, est reconnue aujourd’hui comme une méthode efficace dans des contextes économiques, culturels et politiques variés, sauvant, du coup, d’innombrables vies.

3 QUESTIONS A

COMMISSAIRE IDRISSA CISSE, DIRECTEUR DE L’OFFICE CENTRAL DE REPRESSION DU TRAFIC ILLICITE DE STUPEFIANTS (OCRTIS)

‘’Il faut expérimenter le traitement médical à la place d’une incarcération systématique des usagers de drogue’’

L’usager de drogue est-il un délinquant ou un malade ?

Il n’y a pas une réponse mécanique. C’est suivant les cas. L’essentiel est qu’il faut prendre toujours en considération la personnalité de l’usager, voir le diagnostic qui se présente par rapport à sa personne. S’il est malade, on est forcé de prendre en charge sa maladie. Même s’il s’agissait d’un usager ordinaire, mis à part même ces programmes de réduction de risques, un gardé à vue qui tombe malade entre les mains de l’officier de police judiciaire est pris en compte médicalement. Il est référé à une structure de santé qui le prend correctement en charge. A fortiori, s’il s’agit d’un usager de drogue. Etant entendu les effets de la drogue sur l’organisme humain, on est obligé de privilégier l’aspect santé de l’usager.

Il y a donc nécessité de revoir l’envoi systématique en prison. Mais qu’est-ce qu’il est possible de faire, au regard des textes en vigueur ?

Le code des drogues n’a pas attendu le contexte actuel pour prendre en charge l’aspect sanitaire de l’usager. Dans le dispositif dudit code, il est prévu l’injonction thérapeutique. Cela veut dire que le juge pénal, qui a devant lui un usager, a la possibilité d’appliquer une sanction pénale ou d’enjoindre cet usager à se faire traiter médicament, en vue de sortir de son piège. Si ce mécanisme marche, il n’y a pas de raison à envoyer systématique les usagers en prison. D’autant plus qu’en prison, on pourrait avoir une autre situation beaucoup plus pernicieuse qui pourrait saper sa santé. Donc, pour répondre clairement à la question, je crois qu’il faut expérimenter le traitement médical à la place d’une incarcération systématique des usagers de drogue.

Quel intérêt pour la police de s’entretenir avec les médiateurs pour être formée sur la réduction des risques ?

Il faut évoluer avec le temps. Parce qu’aujourd’hui, on ne peut pas occulter cet aspect ‘‘prise en charge des droits à la santé de l’usager, mais également, des droits humains des usagers’’. Même l’assemblée générale des Nations unies, dans sa déclaration finale, a recommandé aux Etats de prendre en compte ce droit à la santé et les droits humains des usagers de drogue. C’est contenu dans un document qui emporte la communauté internationale elle-même. Et le Sénégal fait partie des pays signataires des trois conventions qui traitent la question de la drogue. Ce sont les conventions de 61-71 et de 88. Toutes ces conventions ont été ratifiées par le Sénégal. Donc, notre pays est un des acteurs privilégiés de la lutte globale. Parce qu’on parle aujourd’hui de lutte globale. Cela veut dire que ce n’est pas seulement la répression qui est prise en compte, mais également, l’approche santé y va, en plus des droits humains des usagers.

VIVIANE DIATTA
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