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Entretien avec Seydou Guèye, ministre porte-parole du gouvernement: ‘’La révocation du Maire de Dakar ne gêne absolument pas l’exercice des voies de recours’’
Publié le mardi 4 septembre 2018  |  Enquête Plus
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© Primature par A. SECK
Le ministre-président de Wallonie-Bruxelles reçu par le Premier ministre
Dakar, le 11 avril 2016 - Le ministre-président de Wallonie-Bruxelles a été reçu par le Premier ministre du Sénégal. Le responsable politique belge effectue une séjour au Sénégal. Photo: Seydou Guèye, ministre porte-parole du gouvernement
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La révocation du maire de Dakar est sur toutes les lèvres. Mais selon le ministre porte-parole du gouvernement, il n’y a rien de précipité ni d’illégal dans cette mesure prise par décret par le président de la République. Seydou Guèye s’en explique dans cet entretien. Il n’occulte pas le cas Karim Wade et la lancinante question du dialogue politique.

Le Président Macky Sall a, à travers un décret présidentiel pris vendredi dernier, décidé de la révocation du député maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall. Comment expliquez-vous cette décision ?

C'est une sanction administrative qui n'est pas une première dans l'administration sénégalaise. Elle tire simplement les conséquences des poursuites judiciaires vidées par les juridictions du fond, le Tribunal de grande instance et la Cour d'appel, qui ont prononcé des condamnations fermes dans l'affaire de la gestion financière de la ville de Dakar. Autrement dit, il s'agit d'une décision qui vise à protéger la Ville de Dakar, au regard de la responsabilité constitutionnelle du Chef de l'Etat qui doit garantir le fonctionnement de Collectivités territoriales sous réserve, naturellement, du respect du principe de la libre administration de collectivités territoriales.

Quelle est le fondement légal et juridique d'une telle décision ?

C'est d'abord la Constitution et les dispositions pertinentes du Code général des collectivités territoriales, notamment les articles 135 et 140, qui fixent le régime de la révocation. Ce qu'il faut en comprendre, au-delà de la liste non exhaustive des fautes pouvant occasionner la suspension ou la révocation d'un maire, d'un adjoint, une simple condamnation suffit pour prendre la mesure. Des maires ont été révoqués ici ou ailleurs à travers le monde, sans même qu'il y ait eu une condamnation judiciaire. Vous aurez compris que dans le cas que nous évoquons, le Tribunal de grande instance a prononcé une première condamnation assortie d'amende, la Cour d'appel saisie a statué et confirmé la décision de première instance en aggravant même l'amende.

La rapidité avec laquelle cette décision a été prise soulève des questionnements au sein de l'opinion publique. Certains allant même jusqu'à dire que le président de la République est allé vite en besogne. Qu'en pensez-vous ?

Vous savez, dans cette affaire qui charrie beaucoup de commentaires, chacun y va de ses émotions ou de son niveau de connaissances. Il faut dire, pour être clair, une décision de suspension ou de révocation du maire de Dakar aurait pu être prise dès la production du rapport de l’IGE, au déclenchement des poursuites judiciaires ou même, immédiatement après le jugement en première instance du Tribunal de grande instance de Dakar. A cet égard, il n'y a bien entendu aucune précipitation dans la prise de la décision qui n'est qu'une simple application des textes. Vous savez, il y a une stratégie de l'opposition et des souteneurs du maire de Dakar qui vise à faire croire que tout cela procèderait d'une persécution d'opposant, oubliant les faits que par ailleurs le Maire n'a pas niés et qui portent sur un système de fausse facturation qui a permis de distraire 1,8 milliard de francs CFA des caisses du Trésor public.

Qu'en est-il de l'élégance républicaine dans cette affaire ?

A mon sens, il s'agit d'éthique républicaine en garantissant l'autorité de la loi, l'égalité des citoyens devant la loi, ce qui est une exigence de l'Etat de droit qui postule la soumission de tous à l'autorité de la loi, y compris l'Etat. Il s'agit, en d'autres termes, d'appliquer les textes en vue de garantir le fonctionnement de la ville de Dakar et la défense de l'intérêt général des populations. Et le travail du juge ne porte pas sur une analyse du contexte politique ou de la qualité d'homme politique. Il examine des faits, procède à leur qualification et applique la loi telle que définie par le Code pénal. C'est cela l'éthique en République dans un Etat de droit et dans une démocratie comme celle du Sénégal.

Pour beaucoup de juristes et praticiens du droit, cette décision est illégale, dans la mesure où elle devait être prise après l'épuisement de toutes les voies de recours et donc après une condamnation définitive. Que répondez-vous à cela ?

Je ne suis pas de cet avis au regard des articles que je viens d'évoquer. Avec la décision de la Cour d'appel qui confirme le jugement du TGI en première instance, je rappelle que tous deux étant juridictions du fond, donc statuant sur les faits, la question de la culpabilité est réglée. Le pourvoi en cassation n'a pas pour objet de faire examiner à nouveau les faits par les juges de cassation. Ensuite, le décret portant révocation du Maire de Dakar est une sanction disciplinaire qui ne gêne absolument pas l'exercice des voies de recours. Et je voudrais enfin vous indiquer que ce décret peut également être attaqué devant la Cour suprême, dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir.

Est-ce qu'à travers cette décision, le président Sall n'a pas voulu récupérer la ville de Dakar des mains de Khalifa Sall, à défaut de le vaincre dans les urnes ?

C'est insoutenable pour ne pas dire impossible, quand on sait comment cela fonctionne. La ville de Dakar est administrée par des élus. Si l'APR a des ambitions, ce sera à travers des élections régulières et transparentes que notre parti devra se battre pour convaincre les Dakarois et mériter leur confiance, pas autrement. Il reste évident que, présenté comme cela, nous tombons dans le piège de la politisation tendu par les souteneurs de M. Khalifa A. Sall. En vérité, l'opposition pense qu'en essayant de brouiller la réalité de cette affaire, elle tient une planche de salut, un moyen de tromper les populations et de mettre la pression sur le pouvoir. Personne ne se laissera prendre par une telle stratégie. C'est une simple affaire de gestion de deniers par une démarche qui n'a pas respecté les prescriptions de la loi. A mon sens, il s'est agi du procès de la gestion financière de la ville de Dakar à partir d'éléments troublants découverts par l'IGE, l'ouverture d'information judiciaire et d'une séquence de jugement qui a ordonné des condamnations. Tout le reste n'est que pure et vaine spéculation.

La révocation de Khalifa Sall ouvre sa succession à la tête de la ville de Dakar. Pensez-vous que votre parti soit assez représentatif au sein du Conseil municipal pour prétendre au poste ?

Dans cette affaire, la loi est claire. Il revient au premier adjoint d'assurer l'intérim jusqu'à l'élection d'un nouveau maire dans un délai d'un mois. Un nouveau maire devra être élu pour pourvoir à son remplacement. La révocation n'est pas une affaire de parti politique à promouvoir ou de manœuvre politicienne. C'est une décision de sauvegarde de l'intérêt général et du bon fonctionnement de la ville de Dakar. On ne peut pas jouer à vouloir tronquer leurs suffrages. Pour dire les choses de façon plus simple, retenons que les conseillers de la ville de Dakar, membres de l'APR, y siègent en minorité.

Parlons à présent de Karim Wade dont le rejet de l'inscription sur les listes électorales a été confirmé par la Cour suprême, malgré les conclusions de l’avocat général. Comment appréciez-vous ce verdict ?

De potentiel candidat invisible, Karim Wade est en train de passer à candidat impossible, du fait du rejet de son inscription sur le fichier électoral. Vous savez, dans les grandes démocraties dont le Sénégal, il y a des règles en matière de candidatures aux élections dont les conditions d'âge, le niveau d'éducation, la qualité d'électeur ou d'éligibilité, le casier judiciaire vierge, etc... Aujourd'hui notre pays a adopté la règle du parrainage citoyen en plus d’autres règles qui fixent le régime de la candidature aux élections.

Finalement, est-ce que le régime n'est pas parvenu à ses fins en écartant définitivement Karim Wade de la course à la Présidentielle ?

Les fins poursuivies par le régime portent sur la satisfaction des exigences et des demandes multiformes des citoyens sénégalais : la consolidation de la démocratie et la promotion de la bonne gouvernance. Ce chantier est loin d’être achevé, au regard des urgences et défis. C'est cela notre mission et les Sénégalais le comprennent avec lucidité. En vérité, la grande majorité de nos compatriotes ne se laisse pas tromper par cette stratégie bruyante, parfois à la limite de la correction ou de la haine, et souvent irrespectueuse des institutions de la République et de la justice de notre pays. Fort heureusement, les Sénégalais constatent, tous les jours, et cela fortifie leur espoir, les avancées et progrès du Sénégal, à travers l'exécution efficace du Plan Sénégal émergent. Transformer le pays, c'est ce qu'ils avaient demandé au candidat Macky Sall, il s'y consacre avec efficacité. Le bilan du Président Macky Sall est remarquable par ses performances socio-économiques inédites qui nous projettent en toute objectivité vers l'émergence. Donc, loin de nous ces pratiques d'un autre âge comme la persécution ou la liquidation qu’il faut jeter par-dessus bord. Nous vivons en démocratie, ce qui postule le pouvoir citoyen, la maturité citoyenne.

Avec Khalifa Sall en prison, Karim Wade en exil et exclu du fichier électoral, le Président Macky Sall n'est-il pas parti pour triompher sans gloire ?

Parce que vous pensez qu'il va vaincre sans péril. Ce qui est certain, c'est qu'ils ne doivent s'en prendre qu'à eux-mêmes, car tout ce qui leur est arrivé, me semble-t-il, est le fruit de leurs propres actes. Cela dit, une élection n'est jamais gagnée d'avance et il n'y a pas de petits adversaires. Notre objectif est de réélire le Président Macky Sall, quels que soient les adversaires qu'il aura en face et nous avons les moyens d'y arriver avec la manière dans le cadre d'élections régulières, transparentes et qui respectent les standards des démocraties modèles. Dans la séquence actuelle de notre parcours politique, marquée par une sorte d'hystérie présidentielle, tout le monde se voit président, je ne sous-estimerai aucun candidat à la candidature. Je constaterai simplement que nous avons besoin de mieux ordonner notre espace public et de changer les modes de présence en politique.

En quoi faisant ?

Il faut renforcer le contrôle sur l’activité des partis politiques, être plus rigoureux sur leurs activités. Il faut également régler le problème du statut du chef de l’opposition.

Ce statut du chef de l’opposition, on dirait qu’il s’agit d’un serpent de mer. Depuis le temps qu’on en parle, rien n’est fait.

Ce qui a été fait, c’est que maintenant, c’est constitutionnalisé. Il appartient à l’opposition de revendiquer cette question, parce que l’avantage, au moins, cela permet d’organiser le dialogue entre le pouvoir et l’opposition. Cela permet d’organiser la concertation pour trouver plus facilement le consensus sur des questions à enjeu pour notre pays, pour notre démocratie.

Dans ce sens, le constat qui est fait, le régime et l’opposition dite significative ont du mal à s’asseoir autour d’une table. Il n’y a que bouderies et boycotts.

Dans ce contexte, il faut remarquer que l’opposition est toujours dans une logique de suspicion. Elle n’a pas confiance. Or, ce n’est pas uniquement une question de confiance, mais de responsabilité, puisque celle du pouvoir est de prendre des décisions. Mais on aurait bien aimé, comme le dialogue s’est installé avec les forces syndicales ; ce qui nous a permis de signer le pacte de stabilité pour la croissance et l’émergence. Comme le dialogue s’est instauré avec le monde de l’enseignement supérieur, lors des concertations sur l’avenir de l’enseignement supérieur. Avec les assises de l’éducation, le dialogue avec le secteur privé a permis de consigner des consensus forts pour le progrès et le développement de ce pays. C’est vrai que, en matière de dialogue politique, il y a une panne, parce que quand l’opposition est conviée, elle préfère faire la politique de la chaise vide.

Oui mais ce qu’on observe, c’est l’absence de consensus. Personne ne lâche du lest et, in fine, c’est le président de la République qui décide à chaque fois.

Mais quand vous venez au dialogue, ce n’est pas pour n’entendre que ce que vous voulez. Pour arriver à un consensus, il faut d’abord venir autour de la table de discussion, mettre dans l’agenda ses propres préoccupations, sa vision, ses propositions et articuler une discussion qui permette de décider au regard des points d’accord que nous pouvons consigner. Le consensus, c’est l’échange de propositions, d’idées et d’arguments pour trouver des accords sur la base des règles de la République, des enjeux de la démocratie et l’intérêt du Sénégal.

L'opposition multiplie les assauts sur le terrain, depuis le retrait des fiches de parrainage à la Dge. Après avoir saisi la Cour suprême pour demander l'annulation de l'arrêté du ministre de l'Intérieur convoquant les coordonnateurs nationaux des candidats, elle a prévu d'organiser un sit-in devant ledit ministère. Comment appréciez-vous tout cela ?

Vous savez, ma lecture de la situation de l'opposition est simple. Elle est engluée dans une triple panne, une panne de projet, une panne de méthode et une panne de leadership. Cela la confine dramatiquement dans une posture de triple refus, le refus du réel, le refus du rationnel et le refus de la différence. Que voulez qu'elle fasse, sinon de la fuite en avant, de la bravade, et des menaces ? Elle ne parle pas aux Sénégalais, elle préfère parler au président de la République qui s'occupe pour sa part et en temps complet des Sénégalais.

Près d'une centaine de candidats à la candidature se sont déjà signalés, en retirant des fiches de parrainage. Finalement, est-ce que le parrainage n'est pas en train de produire des effets contraires, en exacerbant les candidatures fantaisistes ?

Hélas ! C'est le constat que nous pouvons faire. Heureusement, le parrainage a été voté pour régler ces difficultés nouvelles, notamment le problème des candidatures que vous appelez fantaisistes. Si l'Etat n'avait pas pris les devants, on courrait devant un énorme risque pour notre pays, qui doit poursuivre sa trajectoire de démocratie modèle avec la tenue d'élections libres, régulières et transparentes.

La collecte des parrains déjà lancée, le président Macky Sall vise un objectif de trois millions de parrains. N’est-ce pas un moyen d'empêcher les autres candidats d'être parrainés ?

Dans cette campagne de collecte des parrainages, sous l'autorité du Conseil constitutionnel, il y a des règles bien établies autour de 0,8 à 1% des électeurs pour chaque candidat à la candidature. C'est cela l'aspect formel pour ne pas dire institutionnel. Maintenant, chaque organisation ou chaque candidat indépendant part sur les mêmes bases, dispose de la même liberté que l’autre. Chacun se fixe les objectifs qui lui semblent conformes à ses capacités. Donc loin de nous les stratégies d'antijeu. Nous sommes très fair-play dans la compétition et nous n’avons pas d’appréhensions particulières.

Est-ce que cela obéit aux règles du jeu démocratique ?

La démocratie est une compétition ouverte mais régulée pour garantir les bases égales de la compétition. Le parrainage restaure l'égalité entre partis politiques et candidats indépendants. En démocratie, l'égalité vise aussi à donner une certaine idée de la représentativité.
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