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Maurice Soudieck Dione (docteur en Science politique à l’UGB): ‘’L’opposition gagne la sympathie de l’opinion’’
Publié le samedi 18 aout 2018  |  Enquête Plus
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© aDakar.com par MC
Table ronde sur la situation de la Justice au Sénégal
Dakar, le 29 mars 2018 - Une table ronde sur: "La justice au Sénégal: état des lieux et réformes", s`est tenue à Dakar. Des juristes, des magistrats, des avocats et des acteurs de la société civile ont pris part à cette importante rencontre d`échanges. Photo: Maurice Soudieck Dionne, enseignant à l`UGB
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La démarche adoptée par l’opposition peut être fructueuse, d’après l’enseignant-chercheur à l’Ugb, Maurice Soudieck Dione. Le docteur en science politique précise cependant qu’elle a également l’inconvénient de détourner quelque peu l’opposition des questions essentielles.

L’opposition multiplie les actions sur le terrain politique, depuis quelque temps. Quelle appréciation faites-vous de son activisme ?

La démocratie sénégalaise semble être un éternel recommencement, en ce qui concerne la transparence et la loyauté de la compétition politique d’une part, le respect des droits et libertés des opposants et de l’opposition, d’autre part. Les stratégies utilisées par l’opposition consistant à exercer une pression sur le pouvoir par la rue et en menant des campagnes de sensibilisation et d’explication auprès des chefs religieux et des représentations diplomatiques sont en réalité récurrentes depuis plusieurs décennies. Mais cela nous renseigne aujourd’hui sur le recul démocratique du pays, car on a l’impression qu’après avoir réalisé deux alternances, on revient encore en arrière par rapport aux fondamentaux sans lesquels la démocratie est faussée et torpillée.

Pensez-vous que cette nouvelle stratégie soit payante ?

Naturellement qu’elle portera des fruits, car elle fédère l’opposition sur des questions transversales, des préoccupations d’intérêt commun. Même si cette stratégie a l’inconvénient de détourner quelque peu l’opposition des questions essentielles relatives à la construction d’une alternative idéelle et programmatique, elle présente l’avantage d’affaiblir le régime du président Sall dont le bilan politique est ténébreux par rapport au renforcement de la démocratie, à l’équité dans la compétition politique, à l’État de droit et à la préservation des droits et libertés de l’opposition. Or, les Sénégalais sont très attachés à la sauvegarde des acquis démocratiques qui résultent de sacrifices de plusieurs générations et on ne saurait, pour les ambitions de réélection d’un homme, les piétiner sans conséquence. Le régime d’Abdoulaye Wade l’a appris à ses dépens.

Est-ce que le chef de l’État peut finir par fléchir par rapport aux revendications de l’opposition relatives à des concertations sur des questions comme le parrainage ou le processus électoral ?

Je ne le crois pas. Le chef de l’État a emprunté la voie du rapport de force brutal et de la confrontation avec l’opposition, en la réprimant et en la brimant, en créant de l’incertitude et de la nébulosité dans le jeu politique, en utilisant à outrance sa majorité pour dicter sa loi, alors que les règles de la compétition au pouvoir pour être acceptées par tous les acteurs, doivent être définies de manière concertée ; ce qui exclut donc l’unilatéralisme qui ne prend en compte que les intérêts de la coalition au pouvoir. C’est tout cela qui explique la rupture de confiance entre le pouvoir et l’opposition. Et à six mois des élections environ, la dégradation des relations est telle que le rapprochement ne me semble plus possible.

Qu’est-ce que l’opposition gagne en termes de soutien auprès de l’opinion ?

L’opposition gagne naturellement la sympathie de l’opinion, dès lors qu’elle met en avant, de manière pertinente, les problèmes relatifs au piétinement de l’État de droit et des acquis démocratiques si chers aux Sénégalais, dans un contexte marqué par la pauvreté, les pénuries d’eau, le chômage des jeunes et sans qu’il y ait des actes concrets pour rompre avec la gouvernance sombre du clientélisme.

L’opposition initie souvent des alliances, mais la plupart d’entre elles finissent par disparaître. Qu’est-ce qui explique cela, à votre avis ?

Il convient toujours de poser au départ deux questions qui me semblent prépondérantes : quelle est la nature de l’alliance ? Et quels sont les objectifs de l’alliance ?

En effet, il y a des alliances de l’opposition qui sont mises en place pour défendre des intérêts communs comme le respect des droits et libertés, et la fiabilité de la compétition politique, sans lesquels la démocratie est une vaste plaisanterie de mauvais goût. Ces alliances sont donc des cadres d’unité et d’action pour des objectifs bien déterminés, précisément autour de la lutte pour l’équité du jeu politique, comme cela se doit dans une démocratie qui se respecte.

Donc, lorsque les objectifs fixés par ces alliances ont été réalisés, naturellement, elles disparaissent, tout comme lorsque l’opportunité politique l'exige afin d’élargir l’alliance, de la rendre plus attractive ou de l’adapter à de nouvelles circonstances politiques.

Il y a également d’autres alliances dont la nature et les objectifs sont d’ordre électoral. Il ne faut donc pas confondre les deux. Pour ces alliances électorales, il s’agit de regroupements entre forces politiques qui partagent des affinités idéologiques ou programmatiques, ou qui se retrouvent dans des valeurs communes, ou tout simplement par pragmatisme politique, eu égard à des résultats escomptés, etc. Mais il faut également éviter de nourrir l’idée selon laquelle l’opposition doit obligatoirement s’unir, car il ne faut pas oublier que les différentes organisations politiques ainsi que les différents leaders sont en principe en concurrence. Surtout lorsqu’il s’agit d’une élection présidentielle où, comme on le sait, on élit une seule personne pour exercer la fonction. Il reste que la constitution d’un cadre fédérateur de toute l’opposition, au-delà des ambitions des uns et des autres, peut être une stratégie payante, en cas de second tour pour faire face au président sortant.

Est-ce que ce front ne risque pas de subir le même sort, vu les leaders qui le composent ?

Tout dépend, encore une fois, de ce qui est visé au départ quant à la nature et aux objectifs de l’alliance. Si, au sein de l’alliance, il y a des forces politiques qui cherchent à manipuler les autres, l’alliance risque d’éclater. Je crois qu’il convient de bien faire la part des choses, entre ceux qui sont ou travaillent à être ensemble pour aller aux élections et ceux qui sont ensemble pour faire pression sur le régime afin de garantir la transparence du processus électoral et la préservation des acquis démocratiques dans l’intérêt de l’opposition toute entière et dans l’intérêt de la paix et de la stabilité politique du pays.
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