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Présidentielle 2019: La faillite de la gauche sénégalaise
Publié le vendredi 17 aout 2018  |  Enquête Plus
L`union
© Partis Politiques par DR
L`union régionale de Dakar du Ps reçue par le Secrétaire général
Dakar, le 21 janvier 2018 - Le secrétaire général du Parti socialiste a reçu l`Union régionale de Dakar du PS. La rencontre s`est tenue à la Maison du Parti socialiste.
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Faiseur de roi jusqu’en 2012, la gauche sénégalaise est aujourd’hui, malgré quelques réticences, astreinte à renoncer à ses principes et à ses ambitions, pour garder ses privilèges dans la mouvance Présidentielle.

Si la Présidentielle de 2019 est partie pour enregistrer un nombre réduit de candidats avec l’avènement de la loi sur le parrainage, elle revêt à tous les niveaux un caractère particulier. Pour la première fois dans l’histoire politique du pays, on risque d’assister à une élection présidentielle sans la moindre participation d’une quelconque force de gauche sous sa propre bannière. Tous les partis d’obédience socialiste, marxiste-léniniste ou maoïste qui ont fait les beaux jours de la lutte des masses et des classes ouvrières, s’ils ne l’ont pas encore décidé, s’inscrivent dans une dynamique de porter la candidature du Président Macky Sall, candidat à sa propre succession à l’élection présidentielle de 2019.

Le Parti socialiste d’Ousmane Tanor Dieng, l’Alliance des forces de progrès de Moustapha Niasse, la Ligue démocratique et le Parti de l’indépendance et du travail d’Amath Dansokho ont en effet tous décidé de mettre en veilleuse leurs ambitions de conquérir le pouvoir et de se ranger derrière l’actuel président de la République.

Un tel fait nouveau dans le landerneau politique sénégalais surprendrait les précurseurs de ce courant de pensée dans la mesure où les partis de gauche ont toujours été aux avant-postes du combat pour la libération des peuples africains et pour la transformation structurelle de nos économies.

Au Sénégal, ils ont été à l’origine des deux alternances qui se sont succédé dans un intervalle de 12 ans seulement. En 2000, ce sont des partis comme le Pit, la Ld, Aj/Pads de Landing Savané et l’Afp de Moustapha Niasse qui ont porté la candidature d’Abdoulaye Wade à la tête de la magistrature suprême. En 2012, ce sont ces mêmes partis, renforcés par d’autres comme le Parti socialiste, qui ont également provoqué le départ du pouvoir du Pape du Sopi pour ouvrir au président de l’Alliance pour la République le boulevard du palais présidentiel. Aujourd’hui associés à la gestion du pouvoir et servis dans différentes structures de l’Etat, y compris dans le gouvernement, ils semblent jeter les armes et sacrifier leurs ambitions politiques sur l’autel de la coalition Benno bokk yaakaar au pouvoir. C’est à croire même qu’elles ont maintenant quitté la révolution, pour au final jouer les seconds rôles dans la coalition de la mouvance présidentielle, dans le seul but de garder leurs privilèges du moment.

L’Afp affaibli par l’exclusion d’une dizaine de ses cadres

Toutefois, cet engagement à soutenir la candidature du Président Macky Sall à la prochaine élection présidentielle n’a pas été de tout repos pour ces différentes formations politiques. Il a eu raison de leur unité et de leur cohésion en perspective des prochaines joutes électorales. C’est en effet l’Alliance des forces de progrès de Moustapha Niasse qui en a fait les frais le premier. La fronde déclenchée en interne et dirigée par l’ex-numéro 2, Malick Gakou, a débouché sur l’éclatement dudit parti avec l’exclusion de plus d’une dizaine de cadres progressistes. Outre l’ex-dauphin de Moustapha Niasse, ont été également exclus des rangs de l’Afp le Secrétaire général des jeunesses progressistes (Mnjp), Malick Guèye, l’initiateur du courant Afp/Force du changement, Mamadou Goumbala, le responsable départemental de l’Afp à Linguère, Bérouba Guissé, ainsi que ses camarades Pape Massar Diop, Babacar Ndaw, Séga Sy, Mady Kanté, Landing Goudiaby, Babacar Fall, Mame Diarra Cissé, et Saliou Sonar Diouf. Tous ces responsables avaient été indexés à l’issue des vives altercations. Hué par les frondeurs qui n’en réclamaient pas plus qu’une candidature progressiste en 2017, Moustapha Niasse s’était laissé aller à des insanités. ‘’Aucun imbécile, aucun salopard ne peut rompre ce qui nous lie, Macky Sall et moi’’, avait-il déclaré.

Purge au Ps

Tout comme l’Afp, le Parti socialiste a été lui aussi secoué par la même fronde. Alors qu’une frange des militants soupçonnait déjà une volonté de la direction de renoncer à une candidature socialiste en 2017, ils ont aussitôt déclenché une rébellion interne. Après plus d’un an de bras de fer, le couperet est finalement tombé sur la tête des récalcitrants à l’issue d’une réunion du Bureau politique qui a pris la ferme résolution de se débarrasser, dans un premier temps, d’une soixantaine de militants et responsables dont le maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, ses lieutenants Barthélemy Dias, Bamba Fall et Idrissa Diallo entre autres. Comme si ce n’était pas suffisant, quelques jours plus tard, cette purge est étendue jusque dans les bases du Parti socialiste établie dans la diaspora. En France par exemple, tous les militants socialistes proches du député-maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, ont été débusqués et définitivement exclus de la section Europe de l’Ouest du Ps. Il s’agit de 8 responsables socialistes parmi lesquels, Doro Sy, Birahim Camara, Ndèye Satala Diop, Moussa Diémé, Mody Gaye Ba, Chérif Aïdara et Malick Youm. Ils portent ainsi la liste des exclus du Ps de 65 à 73.

Scission à la Ld

La vague de rébellion qui frappe les partis de gauche proches du régime du Président Macky Sall n’a pas épargné la Ligue démocratique. Les premières lignes de fracture dans cette formation politique ont commencé à se dessiner à la veille des élections législatives du 30 juillet 2017. Alors que la direction du parti voulait aller à ces élections sous la bannière de la coalition Benno bokk yaakaar, une bonne frange des responsables parmi lesquels, le Secrétaire général de l’époque, Mamadou Ndoye ‘’Mendoza’’, préféraient y aller seuls pour mesurer leurs forces. Les bases du parti ayant été saisies, selon les dires même de la direction du parti, la majorité s’est prononcée en faveur de la poursuite du compagnonnage avec BBY. Non satisfait d’une telle décision, Mamadou Ndoye a finalement préféré démissionner de la tête de la Ld. Dès lors, est née au sein de la Ld, une dissidence orchestrée par des membres du Bureau politique, du Secrétariat permanent, des Secrétaires généraux de Fédération, des cadres, des jeunes et des femmes.

Au final, le parti a fini par se fissurer en deux avec une frange restée fidèle à la direction et une autre qui a préféré tout simplement prendre son destin en main et se lancer dans un nouveau courant de pensée avant de se démarquer totalement de la mouvance présidentielle. D’ailleurs, dans un mémorandum sorti à cet effet, les dissidents ont passé au crible la marche de leur parti depuis l’avènement de la deuxième alternance et ont fait le bilan de leur compagnonnage avec BBY. A cet effet, ils ont estimé qu’au constat comme à l’analyse, ‘’la Ld a été compromis, pour des intérêts crypto-personnels, avec des militants de bonne foi qui ont été abusés, les valeurs qui ont présidé à sa création bafouées et son idéal de société trahi’’. ‘’Passé le temps de l’indignation et de la révolte, nous voici dans l’obligation de relever un défi historique : celui de prendre nos responsabilités en main : innover et progresser, pour que les sacrifices consentis ne soient pas vains, et pour que l’esprit de la Ligue démocratique et l’idéal de la gauche ne meurent pas dans ce pays. C’est un défi qu’il revient, pour les véritables militants, de relever pour continuer à servir le Sénégal dans la longue tradition de lutte des pères fondateurs du parti’’, soutiennent-les frondeurs dans un document remis à la presse.

Motus et bouche cousue au PIT

Même s’il est jusque-là épargné d’une scission, force est de reconnaître que le Parti de l’indépendance et du travail, sous le régime de la deuxième alternance, n’a plus la même liberté de ton et le même dynamisme qu’on lui connaissait dans la lutte pour la prise en charge effective des besoins des populations. Aux avant-postes du combat pour le départ d’Abdoulaye Wade du pouvoir, ils sont restés presque aphones depuis l’avènement de Macky Sall au pouvoir. Comptables du bilan de l’actuel président de la République, les partisans d’Amath Dansokho sont devenus moins bavards et moins critiques que d’habitude. Ils sont plutôt enclins à défendre les actions du gouvernement.

Aj/Pads en lambeaux

Le parti de Landing Savané subit jusque-là les contrecoups de son compagnonnage avec Abdoulaye Wade d’abord, dans le cadre du Front siggil Senegaal ensuite au sein de la coalition Sopi, renvoyée dans l’opposition à l’issue du scrutin présidentielle de février 2012. Aj/Pads peine en effet jusqu’ici à se relever de la crise qui l’a secoué à la veille de cette élection. Un scrutin qui a vu ses différentes bases démantelées et récupérées par l’ex-dauphin de Landing Savané, Mamadou Diop Decroix à l’époque, parrainé par Abdoulaye Wade. Depuis cet épisode, le leader ‘’folliste’’ n’arrive toujours pas à se refaire une nouvelle santé politique. Malgré les promesses du candidat Macky Sall de lui restituer le récépissé de son parti une fois porté au pouvoir, il a été obligé de se conformer à la réalité et de changer d’appellation. Sa formation politique est donc devenue Aj/Pads Authentique. Une manière de se distinguer de la faction dirigée par Mamadou Diop Decroix. Bien que membre de la mouvance présidentielle, Landing Savané ne pèse pas pour autant dans les décisions prises en interne et dans les négociations à mener. Il se contente seulement de quelques strapontins comme le poste de vice-président du Haut conseil des collectivités territoriales qu’il occupe depuis lors.

Une gauche quasiment inexistante

Etant donné que ses ténors ont tous fait allégeance au Président Macky Sall, la gauche sénégalaise ou plutôt ce qui en reste, est aujourd’hui quasiment inexistante dans l’espace politique sénégalais. Malgré les tentatives de regroupement dans différents cadres dont la Confédération pour la démocratie et le socialisme (CDS), elle peine jusqu’ici à émerger et à se constituer en une véritable force politique capable d’imposer un rapport de force au régime en place. Dans un contexte politique national marqué par une perte de repère et une rupture de confiance entre les politiques et le peuple, reprendre du poil de la bête pour la gauche relèverait tout simplement d’un utopisme. Tout compte fait, le Président Macky Sall a réussi aujourd’hui, là où tous ses prédécesseurs ont échoué, ‘’corrompre’’ une gauche totalement allergique à la gestion clanique et clientéliste du pouvoir au détriment du peuple.
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