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Fodé Sylla (ambassadeur itinérant): ‘’Je ne pense pas que l’Afrique aurait pu offrir à Mbappé…’’
Publié le jeudi 26 juillet 2018  |  Enquête Plus
Fodé
© aDakar.com par GS
Fodé Sylla veut valoriser l`image du Sénégal
Dakar, le 22 octobre 2014- L`ambassadeur itinérant Fodé Sylla a déclaré mercredi qu`il voulait être utile à son pays en travaillant à valoriser l`image du Sénégal dans le cadre de ses nouvelles fonctions.
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Ancien président de Sos Racisme (1992-1999), Fodé Sylla est un ambassadeur itinérant du Sénégal. Franco-Sénégalais, le sacre de la France à la dernière Coupe du monde ne le laisse pas indifférent. Aussi, dans cet entretien avec ‘’EnQuête’’, il prend fait et cause pour tous ces jeunes, fils d’immigrants, qui sont nés et ont grandi en France, mais souvent pointés du doigt.

Comment appréciez-vous la victoire de l’équipe de France au Mondial de Russie-2018 ?

Je pense que c’est une belle victoire d’une génération qui va enfin nous faire oublier celle de 1998. Fort de plusieurs succès, nous avons eu un entraineur qui est un des rares à rester dans cette niche avec Beckenbauer et Zagallo qui ont été les seuls à avoir remporté la Coupe du monde en tant que joueurs et en tant que sélectionneurs. Mbappé s’est distingué comme le meilleur jeune et en même temps le deuxième meilleur de tous les temps, après Pelé, comme étant le plus jeune à avoir marqué pendant la Coupe du monde. Je pense que 1998 commence à dater un peu et qu’on a le sentiment qu’on a été dans un monde d’aboutissement dans les performances au niveau du football, c'est-à-dire qu’on arrivait toujours à l’étape des frustrations à accumuler. Donc, c’est bien pour cette génération qui a su montrer qu’elle était soudée, unie, et sur le terrain c’était purement du football.

Que vous inspire cette composition de l’équipe qui suscite beaucoup de commentaires ?

L’authenticité de ces jeunes, leur apparence à la nationalité française et le fait qu’ils se soient exprimés en tant que Français, pour moi, ne pose non seulement pas de doute, je tiens à insister là-dessus, parce que, quand j’étais président de Sos Racisme, je dénonçais le fait qu’on entendait ‘’un braquage à Marseille a été fait par un Français d’origine marocaine’’, par exemple. J’ai toujours refusé que pour ces jeunes qui sont nés en France et biberonnés à la crèche française et qui n’ont pour seule référence que la France et que précisément on les renvoie à la situation de ce que sont leurs parents qui ont été des immigrés, mais eux ne le sont pas, ils sont français. Un mouvement se fait dans les deux sens précisément. Si je refusais cela, c’est parce que je voulais que les Français les acceptent comme une génération de Français qui est arrivée un peu plus tard dans l’histoire, mais qui a toute sa place autant que les Polonais, les Italiens, les Espagnols… l’ont eu dans l’histoire de la France. D’autre part, c’est comme si ces jeunes-là, précisément dans le processus d’intégration, soient suffisamment acceptés tout en acceptant qu’ils avaient des origines différentes et qu’ils ne sont pas décidés, parce qu’il y a deux choses que l’on ne choisit pas dans sa vie : ce sont nos parents et l’endroit où on nait. Même s’il y avait des discriminations qu’il faut combattre, il faut le faire dans le cadre républicain, car ils étaient français avant tout.

Donc, si on a ramené l’équipe de la France au moment où on dit finalement ce serait plus ou moins les Africains qui auraient gagné et si on sort de l’aspect un peu drôle et on entre au fond du sujet, je ne suis pas d’accord avec ça. On oublie souvent qu’il y a très peu de communautés qui se sont battues pour dire que je veux être français. La marche des beurs de 1983, les jeunes marchaient en disant qu’il faut l’accepter telle qu’elle est et nous on voulait être considérés comme des Français. Il est rare que des gens manifestent en disant qu’ils voulaient être reconnus comme des Français. Toutes ces dernières années, il y a eu des tentatives et des réactionnaires pour remettre en cause le fait d’être né en France. Le droit de sol, par exemple, on s’est opposé à ça.

Donc, je pense qu’aux comptes des deux côtés, même si on veut le voir avec sympathie, bienveillance ou moquerie, c’est d’abord avant tout des Français. D’ailleurs, j’en veux pour preuve, c’est sur les Champs-Élysées qu’ils ont défilé et pas dans une capitale africaine. Avant tout, une façon qui a été apprise dans les écoles et dans les standards français de football qui les permettent d’arriver. J’en veux pour preuve, c’est Macron qui les a reçus. Pour moi qui suis un observateur, cette jeunesse avait besoin d’apporter une victoire à la jeunesse française et à la jeunesse du monde. La jeunesse a été très malmenée ces dernières années. On a vu des jeunes qui avaient 16, 18 ans mourir en venant en Europe, en affrontant des vagues et des mers, mourir dans la Méditerranée, souvent dans l’indifférence. On a vu des jeunes qui allaient confortablement au Bataclan et ne jamais en ressortir à cause de la violence des terroristes et des islamistes. A partir de ce moment, je pars du principe qu’il fallait que cette jeunesse apporte une réponse. Une réponse sur le plan de la fraternité, de la tolérance parce qu’ils ont grandi dans un pays où il est marqué ‘’Liberté, égalité, fraternité’’.

Est-ce que ce n’est pas un rappel à ceux qui sont fiers quand ces jeunes valent des réussites à la France et pointent du doigt ces Français d’origine africaine qui s’illustrent dans la délinquance, par exemple ?

Je suis parfaitement d’accord avec vous. Les gens, dans leur expression, se sont sentis humiliés des fois. On se souvient de Yannick Noah, quand il gagnait, il était français et quand il lui arrivait, de temps en temps, de perdre, il redevient le Franco-Camerounais. On aimerait bien, à des moments, qu’on reconnaisse les origines de nos parents, mais je comprends le mécanisme qui promeut ça. Mais, sur le fond, je veux que cette jeunesse mène des combats avec l’observateur que je suis, qui a demandé à être français, qui s’est battu pour ça et a fait des manifestations en créant des observatoires et des organisations contre le racisme, qui a annoncé le slogan ‘’Beur-blanc-black’’ qui est devenu universel, qui continue à être un cadre républicain, parce qu’il a eu la chance d’être aidé par les grands hommes comme François Mitterrand.

C’est vrai qu’il y a quelque chose de terrible dans les relations en France est que, même si je disais que les atteintes à l’intégrité physique des individus a diminué, on peut se rappeler l’année ou Brahim Bouarram (Ndlr : manifestation mai 1995) a été tué et jeté dans la Seine un 1er mai, lors de la manifestation du Front national. Il y avait aussi un jeune Malien qui avait pris une balle dans le dos. Mais aujourd’hui, on a fait l’eutrophisation des esprits et on sait les conséquences que cela peut avoir. On n’est pas dans le domaine de l’opinion, mais du délire. Ils le font parce que les gens sont toujours le reflet de ce qu’ils voient dans les médias et de ce que diffusent les soi-disant penseurs ou observateurs publics. Comme vous êtes dans un pays où le débat depuis des années se résume à l’identité. Je me suis permis un post sur Facebook pour rappeler qu’il y a un front intellectuel et xénophobe en France qui intervient quand il veut. Finkielkraut est une aberration intellectuelle.

Il a osé déclarer que l’équipe de France était, il y a quelques années, ‘’beur-black-blanc’’, mais maintenant elle est ‘’black-black-black’’. Cela fait rire tout le monde en Europe. Je lui ai dit que non, au contraire. Cette équipe telle qu’elle est maintenant, fait non seulement excellent effet, mais ces jeunes ont l’admiration des jeunes du monde entier. Elle est adulée tel qu’elle est. Il faut que M. Zemmour, Mme Le Pen, M. Finkielkraut, les tenants de la suprématie blanche et ceux-là même qui passent leur temps à distiller leur haine en France contre les minorités, sachent que les meilleures valeurs qu’on peut inculquer à nos enfants sont portées par ces jeunes. Ces jeunes qu’ils ont voulu vilipender, mettre sur le bord de chemin, au banc des accusés ou à les montrer du doigt dès qu’il y a une émeute, un attentat ou un problème, ces jeunes-là leur apporte aujourd’hui une belle réponse. C’est une belle revanche précisément de cette diversité. Il y a des domaines dans lesquels ces débats n’auraient jamais dû arriver, dont celui du sport.

Finalement, ces jeunes-là ne sont-ils pas les seules victimes, car une partie de la France les rejette au moment où une partie de l’Afrique leur rappelle qu’ils ne sont pas des Français ?

Les Africains se sont illustrés en tant qu’Africains dans cette Coupe du monde. J’entends beaucoup d’arguments. Je sais que le Sénégal a loupé un match avec ce penalty sur Sadio Mané. C’était terrible. Mais ça, ce sont des problèmes africains. On peut les analyser en tant qu’Africains. Avec cette équipe de France, on a un staff français. Ils ont chanté ‘’La Marseillaise’’. Et ces enfants-là, je ne crois pas que s’ils n’avaient pas grandi en France, ils auraient cette chance-là où qu’ils soient là ils en sont. Et quand on prend Mbappé, on voit qu’il a eu un parcours républicain. Il est un produit de la France avec ses banlieues, ses manquements, ses réussites, ses errements, etc., avec cette formidable faculté qu’elle a de sortir des gens comme Mbappé, Platini ou Zinedine Zidane. Je ne suis pas certain que nos pays africains auraient eu la possibilité de faire de ces jeunes ce qu’ils sont devenus aujourd’hui.

C’est totalement injuste envers ces jeunes-là, leur parcours républicain, le vécu de leurs parents. Ces derniers sont des émigrés et quand on l’est, c’est autre chose. Quand on essaie de revenir chez soi pour s’impliquer dans les questions diplomatiques, sociales, politiques, etc., ce n’est pas toujours évident. On a nos enfants qui sont nés en France et qui sont des métisses ; c’est encore une autre histoire. Mais je pense qu’il n’est pas normal de les ramener à leur condition d’immigrés. Mon idéal républicain est que nous sommes tous des citoyens du monde, c’est pour cela que je me bats pour la libre circulation des hommes. Mon idéal est que les immigrés, où qu’ils soient, bénéficient des mêmes droits et, en conséquence, des mêmes devoirs. En Europe comme en Afrique, je m’oppose à tous les courants de pensée qui stigmatisent les minorités.

Partout, quand j’entends ‘’il faut expulser massivement les immigres" ou "France dehors", je me sens concerné. Les minorités, partout, sont mes potes. L’Amérique n’est composée que d’une immigration irlandaise, française, anglaise, etc. L’Afrique du Sud est composée d’une immigration hollandaise. On a vu comment c’est. Mais on n’a pas le droit, aujourd’hui, en tant qu’Africains, malgré nos frustrations de n’avoir pas été loin, de dire à ces jeunes-là qu’ils sont africains. Ce n’est pas juste eu égard au parcours des émigrés. Je ne suis pas certain qu’on ait pu leur offrir ce cadre-là. Je suis un enfant de Tambacounda et je suis le premier député issu de l’immigration africaine. Je ne suis pas certain qu’il y ait beaucoup de pays africains qui m’auraient permis cela. Fils de policier de Tamba, être député à 35 ans, je ne suis pas certain qu’ils me l’auraient permis. Je suis le premier critique. Je n’ai pas hésité à faire les plus grandes manifestations, je ne suis pas certain que tous les pays africains me l’auraient permis. J’ai osé soulever des questions qu’on ne pourra pas souvent soulever en Afrique, parce que j’étais aux côtés de beaucoup de minorités et j’ai pu le faire, car le cadre est plus dynamique, plus ouvert.

Le nationalisme a-t-il des chances de prospérer aujourd’hui ? La diversité ne s’impose-t-elle pas à la France ?

De fait, oui. On nous dit souvent que l’Allemagne n’a pas accueilli un millier de réfugiés uniquement par altruisme. Elle l'a fait parce qu’elle sait qu’elle a un problème avec le renouvellement de ses générations. Elle sait qu’elle a besoin de valides qui travaillent pour les besoins de son économie. Elle l’a fait pour ces raisons là. Donc, recevoir ces réfugiés s’est imposé à elle. En France, le fait d’intégrer des jeunes issus des quartiers depuis les années 1980 dans différentes choses, a créé des dynamismes. Aujourd’hui, des labels qui ont une histoire dans le passé comme L’Oréal sont les premiers à faire des marques ethniques. Quand on a une masse de jeunes qui n’existaient pas il y a 20 ou 30 ans, qui sont métissées ou noires, on est obligé de sortir des produits cosmétiques correspondants à leurs teints. De ce point de vue, L’Oréal l’a fait parce que cela s’est imposé à lui.

diversité s’impose. Il faut comprendre la pertinence qu’il y a à s’appuyer sur eux. Il y a, aujourd’hui, une génération que je suis de près et issue de la diaspora, on en trouve quelques-uns dans les médias. Ils ont fait des études, ils ont fait de grandes écoles, ils ont fait Sciences Po ou de grandes écoles de commerce, etc. Tous ces gens-là, si on leur permet de revenir en les aidant parce que quand on n’a pas les codes et les réseaux, c’est très difficile. Mais si on crée des centres de coworking où des jeunes entrepreneurs sénégalais travaillent avec des jeunes entrepreneurs de cette diaspora là pour faire des échanges dans le domaine des startups, des Pme, des Pmi, etc. Voilà autant d’opportunités qui peuvent servir lorsque ces diversités existent.

De manière générale, que pensez-vous de la politique d’immigration d’Emmanuel Macron ?

Je pense que la jeunesse d’Emmanuel Macron peut lui permettre de saisir une chance et d’accélérer cette existence d’un modèle économique, social, politique de la société française. Pour que cette dernière, dans son fonctionnement de tous les jours, quand elle est en mode de création, que l’économie s’appuie justement sur cette diversité de la société française. Je pense qu’il peut y arriver et sa jeunesse peut lui servir dans ce cas. En même temps, là où je suis un aigri (sic), j’ai pensé que sur un cas comme la question de l’accord russe, lui précisément qui avait réussi à tenir tête à Marine Le Pen sur ses discours de dérive sur l’immigration, lui qui est au fait du monde, lui qui, après l’Ena, n’a pas hésité à aller faire son stage au Nigeria, lui qui n’a pas de problème a priori et qui a fait ce beau discours à Ouaga et y a annoncé une année des cultures africaines, je crois qu’il aurait pu précisément innover sur les questions de flux migratoires.

Il aurait pu le faire en arrêtant ces amalgames systématiques comme mettre dans un même projet de loi des questions à la fois d’immigration, d’asile et de réfugiés. La plupart des réfugiés qui viennent aujourd’hui en France sont issus de zones de guerre. Ce sont des gens qui viennent dans le cadre de la Convention de Genève sur la protection des réfugiés. Il aurait pu, à l’intérieur des migrations, au moins reconnaitre une chose : les réfugiés climatiques. On parle de plus en plus de développement durable, d’environnement et de climat dans les pays du Nord. Mais ceux qui subissent le réchauffement climatique, l’érosion côtière, l’avancée du désert, etc., ce sont les pays du Sud. Ce sont les pays du Nord, industrialisés, qui polluent et ce sont les pays du Sud qui le sentent. Cela participe à augmenter les flux migratoires.

L’Europe est dans le prisme de ces questions-là. On n’est plus dans le domaine rationnel, sinon on se serait aperçu que sur les 6 ou 7 milliards d’individus que nous sommes, il y a 200 millions de gens qui circulent et c’est normal. Et, souvent, ce sont les pays du Sud qui les accueillent. Donc, contrairement à ce que disent certains, les pays du Sud sont les premiers à prendre leur part de la misère du monde. Rien ne justifie aujourd’hui que la France ne puisse pas honorer les quelques milliers de personnes qu’elle aurait pu accueillir. Autant je salue Macron sur sa politique de diversité, autant je ne regrette pas de faire partie de ceux qui ont fait campagne auprès de l’extrême droite française et avoir réuni en sa faveur.

Aujourd’hui, vous impliquez-vous dans les affaires à Tambacounda ?

Là, il y a l’Oncav, une organisation que je suis depuis longtemps et j’aime beaucoup. Il y a, je crois, plus de 5 000 Asc à travers le Sénégal. L’Oncav a décidé d’organiser, à Tambacounda, les 10, 11 et 12 août, la première coupe pour les moins de 17 ans. Des centaines de jeunes y sont attendus. Pas moins de 2 000 personnes. Il y aura, pendant ces trois jours, des rencontres sportives. Comme j’ai la chance d’être ambassadeur du Sénégal et qu’avec mon parcours j’ai eu à côtoyer pas mal d’institutions, je me suis dit que nous devrions profiter de cette initiative pour faire au moins deux choses : sensibiliser les jeunes sur les questions d’environnement. Donc, avec le ministère de l’Environnement, il y aura une grande journée de clôture.

On compte nettoyer la ville et on va planter des arbres dans cette région où il fait très chaud. J’ai su que l’Union européenne a beaucoup de projets dans le Sénégal oriental, parce qu’elle veut stabiliser les populations. La France, à travers l’Afd, mène aussi beaucoup d’opérations. Le ministre Mamadou Tall, qui est chargé de la Formation professionnelle, a un panel de projets à disposition des jeunes qu’il faut mieux faire connaître. Il y aura ainsi une journée qui sera consacrée à une foire aux projets. Il y aura des stands à cet effet. Des jeunes qui viennent de toutes les régions et qui sont là pour 3 jours. C’est à nous institutions de venir vers ces jeunes et leur expliquer tous les mécanismes qui existent et dans lesquels ils peuvent s’inscrire. Je pense que dans un pays comme le nôtre, aujourd’hui, c’est sur la question de la formation qu’on doit mettre le paquet. Aujourd’hui, le taux d’alphabétisation des jeunes filles est en train de monter au Sénégal. Mais il faut penser à intéresser ces jeunes à la science et à la technologie. Dans les années à venir, c’est autour du pétrole et du gaz que va se développer l’offre d’emploi. Il faudra former des jeunes filles à des métiers technico-scientifiques.
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