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Affaire Imam Alioune Ndao: Une catastrophe judiciaire
Publié le vendredi 20 juillet 2018  |  Walf Fadjri L’Aurore
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© Autre presse par DR
Imam Aliou Ndao, poursuivi pour terrorisme
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Deux ans, deux mois, deux semaines et cinq jours. Presque trois ans que l’imam Alioune Ndao est derrière les barreaux, ballotté entre différentes prisons du Sénégal, victime au finish de cette présomption de culpabilité qui est en passe de remplacer la présomption d’innocence devant la justice sénégalaise.

Il a été arrêté un 29 octobre 2015 et il a recouvré la liberté un 19 juillet 2018. Trois longues années passées derrière les barreaux et durant lesquelles l’imam Alioune Ndao aura souffert le martyre. Que n’a-t-il pas subi durant cette période ? Ils l’ont diffamé et traîné dans la boue à longueur d’année, présentant le prédicateur obnubilé que le Coran, la Charia et la Sunnah du Prophète Muhammad (Psl) qu’il est, en un monstre capable de commanditer des actions terroristes et, par conséquent, des meurtres à grande échelle. Toutes ces accusations ne reposaient finalement sur rien du tout, ainsi qu’en a conclu hier la Chambre criminelle de Dakar. Elles ne reposaient que sur des procès-verbaux de police qui se sont révélés être hier, au révélateur d’un procès équitable, un tissu de mensonges sans d’autres fondements que l’obsession de faire coûte que coûte des résultats, dans la lutte contre le terrorisme qui draine tant de fonds provenant d’Occident.

Le désormais ex-pensionnaire du Camp pénal de Liberté 6 et plusieurs de ses partisans ont, en effet, été acquittés par la Chambre criminelle de Dakar. Toute l’accusation s’affaisse comme un château de cartes. Toutes les lourdes charges pesant sur eux ont été abandonnées. Le blanchiment de capitaux dans le cadre d’activités terroristes, l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, le financement du terrorisme, l’apologie du terrorisme… rien n’a été retenu par le juge contre l’imam Alioune Ndao, si ce n’est la «détention d’arme sans autorisation administrative» qui lui a valu une condamnation d’un mois avec sursis. Et pour ça, il aura perdu trois ans de sa vie en prison, victime d’une injustice innommable.

Hier présenté aux yeux du monde entier comme un criminel de première classe, le voilà donc libre après avoir subi les pires humiliations et tortures en prison que sa famille et les droits de l’«hommiste» n’ont cessé de dénoncer à longueur de journée. Mais aussi après une longue détention qui aura laissé en lui de lourdes séquelles, un énorme choc et un traumatisme nés des conditions de détention inhumaines subies pendant trois ans. Au Camp pénal de Liberté 6, l’imam Ndao avait été isolé des autres détenus. Il avait été incarcéré dans le secteur spécial appelé Guantanamo, réservé aux personnes accusées de terrorisme. Ses heures de promenade avaient été réduites à 30 minutes par jour. Les visites dont il avait eu droit, furent limitées à un seul jour par semaine, à savoir le mercredi. Autant de restrictions qu’il a endurées en silence. Sans compter le fait qu’il ait été trimballé de prison en prison. D’abord à la Maison d’arrêt de Rebeuss, puis à la Maison d’arrêt et de correction de Saint-Louis, pour finir au Camp pénal de Liberté 6. Un tel vécu carcéral lui laissera sans doute de pénibles souvenirs qu’il peinera à oublier, même s’il a sans nul doute pardonné à tous ses bourreaux ainsi qu’à tous ceux qui ont pris part à la vaste campagne de diabolisation dont il a été victime pendant trois ans.

Avouons-le : le verdict atteste du manque de sérieux et de professionnalisme des auteurs du procès-verbal d’enquête préliminaire dressé par la Section de recherches. Mais qu’est-ce qui s’est passé entre temps ? Le juge a résumé sa décision par le fait que «l’Etat du Sénégal n’ait rapporté aucune preuve qui prouve que Imam Ndao est un terroriste». Une chose est sûre : L’acquittement prononcé en faveur d’imam Ndao sonne comme un désaveu fait par le juge aux gendarmes-enquêteurs. Mais le fait qu’il soit innocenté pose le problème de la conduite des enquêtes judiciaires au Sénégal. Doit-on rappeler aux OPJ (Officiers de police judiciaire) qu’ils ne sont pas contraints à une obligation de résultats ? Doit-on aussi leur rappeler mais également aux juges d’instruction qui ont eux aussi tendance à l’oublier que le procès-verbal d’enquête préliminaire ne vaut qu’à titre de simple renseignement ? Doit-on enfin dire aux enquêteurs que leur Pv n’est ni la bible ni le Coran et le rappeler aux juges d’instruction pour qu’ils ne perdent plus de vue que le juge ne condamne que sur la base des preuves rapportées et discutées à la barre ?

Ces dix dernières années, nombre de procédures ont été annulées parce qu’elles ont été mal faites à l’étape de l’enquête préliminaire. Ou bien parce qu’elles ne respectent pas les dispositions du Code de procédure pénale qui encadre l’enquête préliminaire ou le juge d’instruction sur qui on pouvait compter pour combler les failles de l’enquête préliminaire n’a fait que valider ces insuffisances ayant conduit à l’acquittement de 15 accusés. Imam Ndao qui a toujours clamé son innocence recouvre la liberté, mais laisse derrière lui ses camarades d’infortune pas encore sortis de l’auberge. Non seulement il y a tous ses codétenus condamnés entre 5 et 20 ans de prison, mais il existe une seconde vague de présumés terroristes qui séjourne encore en prison sans jugement, à l’image de l’imam Aboubacar Dianko, première personne arrêtée sous le régime de Macky Sall pour des faits de terrorisme en 2013, ainsi que l’élève Saer Kébé qui boucle trois ans sans procès.
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